"You have no reason to be angry with me, because I'm one of the few people that see and try to give you an opportunuity."
Henry Barthes est un prof remplaçant, spécialisé dans les collèges les plus difficiles. "Détaché" de l'Education Nationale, il l'est aussi de sa vie, habitant un appartement sans âme, allant deci-delà et ne s'attachant à personne, si ce n'est à son grand-père, un vieillard en maison de retraite à laquelle il apporte chaleur et réconfort. Son grand-père ne se remet toujours pas de la disparition de sa fille, la mère d'Henri dont les nuits sont troublées par les souvenirs d'enfance dans laquelle il apparait.
Dans cette nouvelle classe, dans cette nouvelle ville, il va faire deux rencontres, deux jeunes filles qui vont attendre de lui soutien et affection, émotions dont il se protège. La première est une élève de sa classe, brillante et obèse, donc dévouée aux remarques désobligeantes de ses camarades de classe et de son père. Mais la petite est douée d'une sensibilité hors du commun. La seconde est une très jeune jeune prostituée, presqu'une enfant sauvage qu'il prend sous son aile comme un grand frère.
C'est un film terrible, une mise en accusation de la société américaine, d'abord par son école : profs insultés, méprisés par les parents, agressés par les élèves ; élèves en désherence totale, en désespérance, sans avenir, avec ou sans diplôme. Ecole de la solitude, où règne la loi du plus fort. Au milieu de cette jungle sauvage, Henry et son costume tiré à quatre épingles, son amour de la littérature hors de propos, mais tellement nécessaire.
C'est étonnant que ce film soit sorti à quelques mois de Shame, car ils traitent du même sujet : la solitude. Comme si après des décennies d'individualisme, l'Amérique se rendait compte qu'il porte en lui ce corollaire. Solitude chez ce vieil homme qui meurt sans la personne qu'il aimait le plus, sa fille. Solitude chez cette adolescente surdouée et mal dans sa peau. Solitude chez ce professeur mal-aimé rentrant en famille pour trouver encore plus de solitude, femme et fils mutiques devant la télévision.
De la solitude, Henry ne s'en sort qu'en apprenant à s'attacher à cette prostituée, Erica. Comme dans Shame, dont le héros réapprenait la nature de l'amour grâce à sa soeur. Deux relations qu'il serait intéressant de mettre en parallèle, ou en confrontation. Deux hommes seuls s'engageant dans une relation fraternelle avec une femme perdue. Deux relations où l'un a un rapport assidu au sexe (Shame via la maladie de Brandon, Detachment via le métier exercé par Erica). Deux femmes mal dans leur peau, mal insérrées dans la société, qui vont venir s'incruster dans le coeur de ces hommes possédant un statut social, et les aider peu à peu à dénouer les fils de leur mal-être.
Je n'ai pas parlé du jeu d'Adrian Brody, extraordinaire en donnant corps et âme à cet homme, ni des derniers images, bouleversantes. Mais j'espère vous avoir convaincus que Detachment est un film à voir.