Profitant d'Halloween, des longues soirées d'automne, du temps grisouille, je me suis plongée dans les Contes gothiques d'Elizabeth Gaskell et en particulier, sa novella la plus célèbre, Lois the witch (La sorcière de Salem).
Tous ces récits ne sont pas 'fantastiques' : s'il y a des malédictions, des sorcières, des êtres malfaisants échangés à la naissance, l'ambiance est plus 'gothique', avec ses brigands, ses châteaux isolés, ses jeunes filles aux mains de méchants bonshommes. Gaskell nous ouvre là un aspect de sa plume inattendu chez cette auteur du quotidien.
Le recueil comprend neuf nouvelles ou novella.
La première, Disappearances, est sans doute la moins marquante s'interroge sur les disparitions mystérieuses des siècles précédents, qui auraient pu être éclaircies si une police aussi efficace que celle des années 1850 avait enquêté dessus. Assassinat ? Fuite pour aller refaire sa vie ailleurs ? c'est au lecteur de trancher.
Dans The Old Nurse Story, une vieille nounou raconte aux enfants dont elle s'occupe, un épisode marquant de l'enfance de leur mère (dont elle était déjà la nourrice). Orpheline, Miss Rosamund avait été vivre dans un château sinistre, chez une grand-tante solitaire, isolée de tout. Mais des bruits étranges circulent sur la jeunesse de cette vieille dame... Et qui est cette enfant qui appelle Miss Rosamund de ses cris lors des tempêtes ? Et pourquoi retentit parfois dans tout le château, les sonorités d'un orgue ?
The Squires Story suit un jeune homme qui hérite par hasard et s'installe dans un beau domaine du nom de White House. Sa figure avenante, ses manières gaies, ses talents à la chasse le font vite apprécier de ceux qui le rencontre. Mais si cela cachait un autre secret ?
The poor Clare est une histoire familiale compliquée. Une servante, Bridget Fitzgerald, vit avec son maitre et la maîtresse qu'elle a élevée depuis son plus jeune âge. C'est là que cette femme taiseuse et solitaire élève son unique enfant, son trésor : Mary, une magnifique jeune femme. Mary, voulant voir le monde, devient femme de chambre d'une noble du Continent. Peu à peu, ses lettres s'estompent et s'interrompent. Est-elle morte ? Mariée à un noble comme ses dernières lettres le sous-entendaient ?
The Doom of the Griffiths raconte l'histoire d'une malédiction moyen-âgeuse : à la neuvième génération, le dernier des descendants des Griffiths tuera son père. Lorsque la neuvième génération arrive, la malédiction n'est plus qu'un vieux conte pour faire peur aux enfants et le père comme le fils, paisibles et pacifiques, semblent bien loin de s'entretuer.
Lois the witch revient sur un épisode bien connu de l'histoire des Amériques : la terrible hystérie qu'a connu tout un village dans les années 1690, conduisant à accuser pour sorcellerie plusieurs centaines de personnes et d'en condamner 19 à mort - avant que les accusatrices, les "possédées" ne se rétractent.
Lois est une orpheline anglaise qui, sans soutien, vient rejoindre son oncle dans les colonies, à Salem. Sa religion différente (anglicane et non puritaine), ses pratiques, son caractère même, la mettent à part. Sa tante, ses cousines font preuve d'une antipathie visible. Quand les premières rumeurs de sorcellerie se diffusent, Lois est très vite montrée du doigt.
The crooked branch, c'est l'histoire du fils prodigue. Un couple de fermiers aisés élèvent leur fils comme un gentleman. Tous les membres de sa famille, à commencer par sa cousine et promise, le vénère. Mais le fils n'est pas très reconnaissant de la chance que lui offrent ses parents.
Curious if true m'a fait penser à certains des contes fantastiques de Théophile Gautier. Un jeune homme se fait surprendre par la nuit, se perd dans les bois autour de Tours et finit par arriver dans un château illuminé, où il est "attendu". Mais qui sont ses gens qui l'entourent ? Cette femme aux pieds si petits qu'elle ne peut plus marcher ? Cet homme à la face de chat ? Et ce dénommé Poucet ?
The Grey woman surfe sur la mode du gothique, et sur la légende noire de la Révolution française : une fille de meunier se fait épouser par un jeune noble français. C'est un beau mariage, bien au dessus de sa condition. Pourtant, elle ne "sent pas" son mari, et, isolée dans son château des Vosges, déprime.
De tous les récits, c'est Lois the witch que j'ai préféré. J'ai eu beaucoup d'empathie pour cette jeune fille isolée, malheureuse et sa fin tragique. Gaskell décrit avec une minutie historique les pratiques religieuses des puritains et en fait ressentir toute l'étrangeté et tout l'exotisme. Sans rien cacher du sort de Lois, Gaskell décortique les rouages intimes qui la feront voir comme coupable et qui conduiront à sa mort.
J'ai aussi beaucoup aimé The Old Nurse Story, The poor Clare, The crooked branch et The grey woman ; les autres nouvelles m'ont bien plu, mais sans totalement me convaincre.