
Sauf que j'ai pris un abonnement annuel spécial jeunes au Louvre, et que j'ai reçu dans la semaine une invitation pour moi et quelqu'un d'autre à aller visiter gratuitement la FIAC, vendredi soir, de 18h à la fermeture. Nous avons hésité entre le Grand Palais et le Louvre mais la description dans le Monde de l'exposition du Grand Palais nous a décidé. Qui résisterait à ça : "Au centre du Grand Palais, plusieurs grands marchands étrangers et français se sont réunis pour composer un pavillon des splendeurs. Il s'ouvre sur un Brancusi historique. Suivent trois Picasso de premier ordre, un Beckmann exceptionnel, deux Calder inouïs, un Mondrian parfait, deux Léger inoubliables et, quand on en vient à manquer d'adjectifs, voici que se présentent trois Bacon à tomber à genoux." ? Alors nous sommes allés au Grand Palais.

Déjà quelques mots sur l'ambiance. L'immense espace du Grand Palais, la verrière somptueuse que je ne me lasse pas d'amirer, le tout délimité par des espèces de boîtes blanches, un cube par gallerie. Sur les murs blancs, des oeuvres exposées. Un mélange entre l'ambiance d'un musée et celle d'une foire aux vins. Etrange,

Et puis, les oeuvres... Oui, le journal avait raison, il y avait du beau monde, Soulage en tête. Quelle puissance, quelle beauté, quelle force dans ces larges tracés noirs. J'ai tellement hâte de voir l'exposition à Beaubourg !


Un énorme coup de coeur pour un Mondrian, également, caché dans un repli de la Gallerie du "Projet Moderne" (la galerie dans la galerie qui regroupe les artistes les plus célèbres)



Et puis, un Brancusi merveilleux, un Rothko fantastique, quelques Picasso (que je n'ai pas aimé, mais on ne peut pas tout aimer) ...
Et il y a le reste. Celui que je ne connaissais pas. Alors, évidement, il y a énormément de choses que je n'ai pas aimé, qui ne m'ont pas touchée, voir qui m'ont dégoûtée. Mais ... Mais j'ai eu quelques instants de grâce.
Je vous fais cadeau de trois d'entre eux.

Déjà, ce Striking de Claire Morgan. Etonnante, la manière dont cette artiste a su capturer l'instant, le moment, le coup de fusil et l'oiseau qui tombe, destabilisé, l'infime seconde où le petit être passe du vivant au mort, le dernier battement du coeur minuscule. Un geste de grâce absolue, à la fois d'une grande tristesse et d'une beauté saisissante. Je crois que c'est l'oeuvre qui m'a le plus saisie de toute cette FIAC.
Ensuite (et là, je n'ai pas noté le nom de l'artiste), cette délicate toile de rouge et de bleu, une toile d'angle comme il existe des bibliothèques pour habiller ces recoins, aux lignes qui se mêlent, qui se jouent de nos yeux et de notre cerveau. J'adore !

Enfin, et c'est un des styles que j'ai vu assez courament dans les galeries, ce jeu sur les miroirs. Le spectateur devient lui même l'objet du spectacle, tandis que l'artiste se joue des volumes et des espaces. Je pense en particulier à cet ensemble d'une dizaine de cadres sombres, installés côte à côte, chacun portant un miroir de plus en plus grand, depuis le premier où il n'y en a pas, jusqu'au dernier où le miroir empli l'espace.

Mais j'ai particulièrement cette sculpture, en forme de L, dont un bras est un pointillé de miroirs, déformant complètement l'espace dans lequel il se trouve. Je suis restée quelques temps devant, et me suis amusée de la réaction des passants. Surpris de se voir tout d'un coup en face d'eux, et de se perdre en se décalant d'un pas. Certains s'observant, corrigeant la boucle d'une mèche ou la courbure d'un chapeau, soignant l'oeuvre d'art qu'ils sont eux même (car le soin qu'ils apportent à leur vêtement, leur coiffure ou leur maquillage les transforme de fait en oeuvre) face à cette sculpture étrange.
Et puis, tant d'autres choses !

Ahhhh, je ne regrette pas du tout cette escapade. J'ai été parfois déçue, mais beaucoup moins souvent que je ne l'imaginais. Et j'ai été émue, et souvent. Je referai l'an prochain, avec ou sans carte Louvre.