"For I foresee when I shall die, and everything that will happen in my last moments."
A ma grande surprise, George Eliot n'a pas écrit que des gros pavés de 652 pages (au moins). Elle a aussi commis des nouvelles et The lifted veil m'a semblé tout à fait adapté à la lecture victorienne des Frogs pour cet été. Je n'avais pas très envie de me replonger dans un monument eliotesque, quelques mois après mon échec retentissant avec Daniel Deronda.
Le mini-format et la tête pensive m'ont séduite et je me suis plongée dans la vie de Latimer, un second fils malheureux, moins beau, moins sportif, moins intelligent que son frère aîné. Alors qu'il est dans un collège en Suisse, il est touché par une maladie, à la suite de laquelle son père et son frère viennent le rejoindre. Il subit alors deux flashs de préscience : l'arrivée d'une jeune fille, Bertha, quelques minutes avant son arrivée effective ; et une vision de Prague, une ville qu'il ne connait et n'a jamais vue.
Bien sûr, il tombe amoureux de Bertha ; bien sûr, Bertha flirte outrageusement avec lui, mais se fiancie avec son frère. Et lorsqu'un nouveau flash apparait, le montrant en couple malheureux avec elle, il ne sait plus du tout quoi en penser...
"Our position were reversed. Before marriage she had completely mastered my imagination, for she was a secret to me; ans I created the unknown thought before which I trembled as if it was hers. But now that her soul laid open to me, now that I was compelled to share the privacy of her motives, to follow all the petty devices that preceded her words and acts, she found herself powerless with me, except to produce in me the chill shudder of repulsion."
Je ne pourrais dire que j'ai vraiment aimé cette nouvelle. Sur le moment, je la trouvais de la bonne longueur, et en y réfléchissant pour écrire ce billet, je me demande si elle ne me laisse pas sur la langue un goût d'inachevé. Les personnages, Bertha et Latimer, sont à peine esquissés, des "types" derrière lesquels on devine qu'Eliot voyait des être infiniment plus profonds.
Les thèmes abordés, sont passionants. Cette intrusion du fantastique chez une auteur qui montre surtout sa très grande rationalité, est bien abordée : au début, Latimer refuse de croire à son don. Il faut qu'il retrouve sur l'ombre d'un trottoir de Prague la même ombre qu'il avait devinée dans son imagination pour qu'il se laisse convaincre. Mais qu'est-ce qu'une ombre, quel genre de preuve est-ce là ?
Et qu'est-ce qu'un narrateur, si ce n'est quelqu'un qui nous use et nous manipule à sa guise ?
Bertha nous est présentée comme un charmant serpent, séduisante et mauvaise, adorée puis détestée de Latimer. Mais cet avis semble si peu partagé par le monde autour de lui, que le texte lui-même est construit comme une justification vis à vis du monde de la conduite que l'homme a eu à l'égard de sa femme.
Et si Latimer nous menait en bateau ? Et si cette "prescience" qui l'a autorisé à haïr sa femme n'étaait que mensonge ?
Ces aspects passionants mis à part, je n'ai pas accroché plus que ça au style, à l'ambiance, aux personnages. Latimer est un petit garçon geignard et Bertha une pimbêche insupportable. Leur vie ne m'a pas touchée, ne m'a pas intéressée plus que ça.
Peut-être qu'Eliot est plus à son aise dans les pavés de 652 pages, finalement.
Lu en anglais.
Lu dans le cadre du challenge victorien