"Mourir..., dormir, rien de plus ... et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du cœur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair: c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir.., dormir ... dormir! peut-être rêver !"
Après avoir été convaincue par les billets de Cryssilda et de Fashion, et alléchée par le commentaire d'Isil (c'est quoi cette histoire de duel et d'eau ? et de trop boire ?) sur son facebook, j'ai été l'autre soir voir jouer Hamlet au Théâtre Mouffetard.
C'est une pièce que j'avais tentée de lire il y a bien longtemps, avec de renoncer, submergée par la richesse et la complexité de la pièce. J'étais impatiente de la voir jouer, et je n'ai pas été déçue.
Lorsque nous sommes entrés dans la salle, un jeune homme était déjà sur scène et regardait les spectateurs s'installer. Quand tout le monde fut assis, l'attente continua paisiblement. S'installa. Les bavardages reprirent et s'amplifièrent. Et, brutalement, sans les trois coups annontiateurs ni aucun lever de rideau, il nous parla : son nom est Horatio, et il allait nous conter des événements tragiques.
Pendant qu'il parle, les autres acteurs entrent en scène et s'alignent dans le fond. Tout d'un coup, la musique (Eurythmic) commencent, tout le monde danse, rit, chante : nous sommes en plein mariage. Seul un invité, un grand échala triste et passionné, semble triste. Il s'appelle Hamlet, son père est mort depuis à peine quelques semaines et le mariage célébré est celui de sa mère, toute jeune veuve, et de son oncle. Il est déjà révulsé. Mais lorsque le fantôme de son père lui apprend que l'assassin est justement le nouveau mari de sa mère, sa haine et son dégoût ne connaissent plus de limite.
Hélas : notre Hamlet n'est pas un héros. C'est un lâche. En bon fils vengeur, il voudrait planter une épée dans le coeur de son oncle, mais il n'y arrive pas. Il veut des preuves. Un plan. Dévoile à son oncle qu'il sait. Histoire d'être sur de lire sur ses traits la culpabilité. Lambine. Cherche à prévenir sa mère.
Bref, donne tout le temps qu'il faut à l'assassin pour prendre ses précautions.
Parlons de la pièce, déjà, que je découvrais à cette occasion. Bien sûr, c'est un chef d'oeuvre. Déjà, parce que c'est une situation incroyablement tragique, antique, mais avec un héros qui ne l'est absolument pas. Un romantique avant l'heure qui se berce de discours... C'est peu de dire que l'originalité de la situation, sa modernité, m'a séduite.
Mais c'est avant tout une pièce d'une poésie merveilleuse... Les longues tirades d'Hamlet se lamentant sur la vie du fond de sa dépression, la folie d'Ophélia, le théâtre dans le théâtre, la tendresse de la mère pour son fils malade, tout cela est splendide et méritait à juste titre de rentrer dans la mémoire culturelle mondiale.
La mise en scène, justement, valorise la modernité et la poésie du texte. Elle ne s'incline pas devant le chef d'oeuvre, elle le mastique et le digère. Son rythme, tantôt brusque et enlevé, tantôt lent et paisible, structure une pièce très longue. Et certains morceaux de bravoure (le "To be, or not to be", ou les adieux d'Ophélie) sont admirablement traités. Et même le "duel à la bassine", que j'ai ça et là entendu décrié, je l'ai trouvé assez bien mené : il évitait sans doute un duel maladroit (n'est pas épéiste qui veut) et montrait bien la futilité de la chose.
Je n'ai qu'un reproche à faire : le jeu des acteurs, très inégal. Romain Cottard (jouant Hamlet) a des moments de grâce (nombreux) et quelques moments beaucoup moins bon. Si Fanny Deblock (Ophélia) est parfaite, d'autres surjouent beaucoup trop. L'acteur jouant l'oncle/père est trop souvent dans l'exagération et une certaine forme de vulgarité (ce qui casse complètement la scène de retrouvailles entre Hamlet et le fantôme) ; et le père d'Ophélia en voulant contrefaire un boitement, rend non seulement son personnage ridicule, mais surtout pathétique (et je ne suis pas sûre qu'il en avait besoin).
Dommage, car l'impression générale qui me reste de cette pièce est excellente, et possède des moments de grâce extraordinaires...