J’ai entamé Kerouac par Sur la Route que je n’avais pas du tout aimé et ainsi décidé de ne pas poursuivre la découverte de cet auteur et plus largement de la Beat Generation. Puis, au détour d’un Masque et la Plume consacré à la littérature, j’ai appris qu’On the Road ressortait dans une nouvelle traduction beaucoup plus conforme à l’original et notamment basée sur le « rouleau ». Pour la petite histoire, Kerouac qui tapait à la machine trouvait que le fait de changer de feuille toutes les 2 minutes le coupait dans son inspiration et a donc inventé une sorte d’énorme rouleau de PQ de plusieurs centaines de mètres de long sur lequel il a écrit On the Road d’une seul traite.
Intrigué par cette histoire de traduction et de rouleau de PQ géant, j’ai profité d’une petite expédition chez WH Smith pour feuilleter quelques bouquins de Kerouac en anglais. J’ai en l’occurrence été surpris par la qualité et le rythme du style et ai donc empoché The Darma Bums (Les clochards célestes) puis suis retourné chez moi en rasant les murs avec le plaisir coupable de celui qui vient encore d’engraisser sa PAL (la mienne restant nettement moins impressionnante que celle de Céline).
Bon, autant le dire tout de suite, je n’accroche toujours pas trop avec le côté junkie qui pense avoir trouvé l’illumination transcendantale au milieu du jardin de maman et je trouve leurs idées et idéaux débiles et puérils. Je trouve qu’ils feraient mieux de se secouer les puces (vu leur mode de vie je pense d’ailleurs qu’ils en sont couverts), de se laver (pas du luxe) et d’arrêter de se prendre pour la réincarnation de boudha, surtout qu’en plus il est de notoriété commune qu’ils n’ont rien, mais alors RIEN, compris au bouddhisme, leur version étant une sorte de soupe indigeste à base de « crypto christiano bouddhisme mystico panthéiste à la sauce je me révolte contre ma culture puritaine américaine en mode j’aime les petites fleurs et les gentils pipaillons quand je suis pas tellement bourré que j’arrive plus à trouver la bouteille pour continuer à picoler »… ouais tout ça…
Comment vous dire, on a l’impression de se retrouver dans la tête d’un de ces gentils rêveurs qu’on rencontre parfois en soirée quand on a 20 ans ; ces mecs « dans leur trip », généralement tout mous avec un gros spliff entre les lèvres, qui viennent vous expliquer longuement (si vous trouvez pas une bonne excuse vous êtes glués pendant 3 heures) que depuis qu’ils ont lu Kant, un mec génial d’ailleurs (ou n’importe quel autre philosophe ou auteur connu dont Anna Gavalda) leur vie à changé et où vous vous dites, sur la base de vos maigres (en tout cas pour moi) connaissances sur la philosophie en général et sur celle de l’ami Manu en particulier, euhhh c’est moi ou t’as vraiment rien percuté ? Tu l’as lu ou t’as du marshmallow dans le crâne ? Au fait tu fais quoi dans la vie t’es pas étudiant en philo en quand même, rassure moi ? Non ? (in peto – Ouf) … Oui je me disais bien …
Ceci dit et même si les quelques lignes qui précèdent pourraient laisser penser que je n’ai pas aimé ce livre, c’est tout l’inverse : j’ai passé un très bon moment.
L’une des raisons en est que, contrairement à On the Road, les trips junkies sont moins envahissants et peut être plus solaires (principalement du fait du personnage principal, alter égo de Gary Snyder, poète américain qui a un peu gravité autour de la Beat Generation sans réellement en faire partie). L’influence de Snyder se fait sentir notamment par son côté très terre à terre et son amour de la nature qui me semblent canaliser un peu les ardeurs illuminées de Kerouac (un illuminé qui en canalise un autre… tout va bien).
L’un des thèmes principaux de The Darma Bums est la tentative de trouver l’illumination par le retrait du monde dans la nature. A ce titre, on retrouve dans ce roman de nombreux points communs avec le film de Sean Penn, Into the Wild. On doit à cette thématique les meilleurs passages du roman, notamment la vraiment très réussie ascension du Matterhorn Peak ou, à la fin, les passages dans la cabane de garde forestier sur Desolation Peak.
Enfin et surtout, c’est aussi pour moi la découverte du vrai style de Kerouac, lu en version originale. Son écriture est à la fois dynamique, musicale et rythmée. Le tout est totalement erratique et un peu illuminé, à l’image de la personnalité de l’auteur mais donne une vraie consistance et un vrai charme au roman. On est totalement happé par quelque chose qui, dans une large mesure n’a pas réellement vocation à nous intéresser, du moins pour ma part.