"- Qui es-tu donc, Pan ? cria Crochet.
- Je suis la jeunesse, je suis la joie, répondit Peter tout à trac, je suis un petit oiseau sorti de l'oeuf.
Cette réponse absurde prouvait néanmoins que Peter n'avait pas la moindre idée de qui il était , ce qui est le degré suprême du bon ton."
Wendy et ses frères vivent dans une famille anglaise tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Leur maman est une femme charmante, avec un baiser au coin de la lèvre qu'on ne parvient jamais à saisir. Leur papa est un homme très digne et très ennuyeux. Quant à leur nurse, car il en faut une dans une famille comme il faut, c'est une chienne, Nana, mais une chienne très bien élevée et qui s'occupe d'eux avec beaucoup de sagesse.
La nuit, cependant, un garçon vient les observer, une fée, Clochette, à ses côtés. Leur maman le connait bien : elle aussi l'a rencontré quand elle était petite fille. Une nuit, Wendy et ses frères décident de le suivre en volant, au Pays Imaginaire, où Wendy pourra faire la maman des Garçons Perdus, et ses deux frères se battre contre les Peaux-Rouges et les Pirates, surtout Crochet que poursuit le crocodile qui fait Tic-Tac.
"Tous voulaient du sang, sauf les garçons à qui cela ne déplaisait pas d'ordinaire, mais qui, ce soir là, attendaient leur capitaine. Le nombre des garçons vivant dans l'Île peut varier, évidemment, selon qu'il leur arrive d'être tués ou bien d'autres choses. Dès qu'ils semblent avoir grandi - ce qui est contraire au règlement - Peter les supprime."
Je sais que ça va sembler bizarre, mais je n'ai jamais vu le dessin animé de Walt Disney, Peter Pan. J'ai un vague souvenir que ma mère me l'avait emmené voir au cinéma, quand j'avais quelque chose comme 3 ans, mais elle avait du sortir précipitamment du cinéma avec une gamine hurlante sous le bras. Je ne sais plus qui du crocodile ou des pirates m'avait ainsi bouleversée, mais je me souviens bien de la peur panique qui m'avait envahie.
(c'était la minute Je raconte ma life)
Tout ça pour dire que je ne savais pas à quelle sauce j'allais être mangée : je m'attendais à un joli conte de fées pour enfants, en mode XIXème, c'est à dire dans mon esprit malade, une sorte de Petites Filles Modèles à la sauce shakespearienne.
Ah Ah Ah.
Hum.
Ils sont pas modèles, les enfants du Pays Imaginaire ! Peter Pan le premier, qui est le plus insupportablement égoïste petit enfant jamais représenté dans la littérature enfantine - un vrai môme, juste dans l'instant présent, pensant uniquement à lui et à ses fantasmes.
Si je devais dire ce qu'est ce roman, extrêmement riche pour ses 140 petites pages, je dirais que c'est la description d'un jeu d'enfant. Vous savez, ces "Et on dirait que tu serais le bébé/le méchant/le loup et moi la maman/le gentil/le petit chaperon rouge, et là ça serait ma maison et là, ça serait la tienne". Et bien, quand ils construisent la maison de Wendy (c'est une fille, elle ne va quand même pas dormir avec des garçons) : "Il cueillit le haut-de-forme de John, le défonça d'un coup de poing et le déposa sur le toit. Ravie d'être pourvue d'un élément aussi essentiel, la petite hutte se mit à fumer en guise de remerciement.".
Autre chose qui m'a surprise : la représentation de l'enfance, beaucoup plus réaliste que ce que j'ai pu lire dans la plupart. Aucun émerveillement sur la douceur naïve de l'enfance. Peter Pan, l'Enfant, y est égoïste et cruel, inconstant et volage, tout entier plongé dans son monde merveilleux qui est la seule chose qui importe pour lui, bien plus que les êtres qui l'entourent.
La psychanalyse n'est aussi pas très loin. Je regrette que ce livre ne soit pas traité dans la Psychanalyse des contes de fées, car je pense qu'il y aurait beaucoup à en dire. Entre tuer le père (qui est Crochet, si ce n'est le père symbolique que Pan veut tuer) et la dichotomie femme-maman (Wendy) vs femme-putain (Clochette), en passant par le désir irrépressible que Peter a de transformer son amoureuse en maman (pas tout à fait la même chose que de faire de sa maman son amoureuse), même une non-initié commemoi a pu voir que ce conte déborde de signification plus profondes.
Au final, j'ai trouvé que Peter Pan est le meilleur livre sur l'enfance que je n'ai jamais lu. Derrière le conte et les aventures, c'est une des descriptions les plus justes de l'âme enfantine.
Lu avec les frogs