Après avoir lu et adoré le roman de Nabokov, j’étais très inquiète de ce que j’allais trouver dans le film de Kubrick : la Lolita de l’affiche ne me semblait pas du tout correspondre à celle que j’avais lu dans le roman, et je me demandais si je n’allais pas voir un immense contresens de ce que j’avais tant aimé.
Non : ce film est excessivement fidèle au roman. A quelques exceptions près (le passé de Humbert Humbert a disparu, et Clare Quilty est maintenant affublé d’une ombre féminine, dangereuse et angoissante), tous les personnages, toutes les péripéties de ce chef d’œuvre y sont, et y sont comme dans le roman.
De plus, les acteurs qui les interprêtent sont excellents : Humbert Humbert donne une impression de familiarité et de confiance, qui rend encore plus effrayant sa relation avec Lolita ; Clare Quilty est merveilleux de drôlerie et de folie ; et la mère de Lolita, Mrs Haze, est tellement ridicule que le film semble se transformer, au début en film comique. Seule Lolita manque un peu d'épaisseur à mon goût, mais interprêté un fantasme n'est pas chose facile.
Finalement, ce qui m'a un peu déçue dans le film est inhérent au support cinématographique. Là où le roman nous emmène dans l'esprit de Humbert Humbert, et nous fait douter de tout ce qu'on lit (Lolita est-elle ou nous une petite allumeuse ? Et Mrs Haze une folle nymphomane ? ou tout cela n'est-il que la manière dont Humbert Humbert se justifie à nos yeux ?), le film tranche, sans laisser de part de mystère. Une partie de la richesse du roman est donc perdue, à mon grand regret...
Je n'ai également pas retrouvé la sensualité glauque, la salacité qui rend le roman de Nabokov aussi fort et dérangeant - mais aussi génial. Le film, adapté aux années 60 et dont le support est plus "prude" que ne l'est l'écrit, ne nous montre pas les pensées les plus révoltantes d'Humbert Humbert, son désir pour un corps de fillette. L'actrice jouant Lolita ayant plus dans les 15-16 ans que les 12 ans de l'enfant du roman, l'amour d'Humbert Humbert pour elle apparait plus normal : ce n'est plus un pédophile théorisant son attirance pour les nymphettes, c'est un homme atteint de passion pour une très jeune femme.
En perdant de son côté insoutenable, Lolita perd aussi de son souffre ...