"Son regard glissa sur l'écryme. Une immensité hostile, une mer visqueuse et étale. Sa couleur variait du brun au vert en fonction des saisons et de la luminosité. Parfois, Léon parvenait à apprécier le spectacle, surtout au lever du jour, lorsque les premières lueurs de l'aube se réfractaient à la surface. Une considération intime qui pouvait théoriquement lui valoir une mise à pied par la commission psychiatrique. Pour ses soldats et l'immense majorité de ses contemporains, l'écryme incarnait la mort."
Europe. Quelque part dans le futur ou dans le passé, qui sont un autre futur et un autre passé. Dans un temps où le monde ne serait jamais sorti de la Belle Epoque. Bref, bienvenue dans le monde du Steampunk.
Dans cette Europe imaginaire, une catastrophe s'est produite : la quasi totalité du sol est recouverte d'écryme, une substance brunasse qui dissout toute chair vivante. Seules les villes sont protégées et reliées entre elles par de frêles passerelles métalliques sur lesquelles transitent des trains (à vapeur).
J'ai trouvé une poésie incroyable à ce portrait d'une terre recouverte d'écume où ne surnagent que quelques passerelles métalliques. J'avais devant les yeux, en lisant ce livre, comme un tableau de Monet qui prendrait vie.
Suite à deux événements distincts, Léon, un militaire déchu et Louise, une fille de révolutionnaire praguois, vont enquêter sur la nature de l'écryme et sur son origine. Et, si ce qu'ils trouvent sur l'écryme est plein de poésie, cette seconde partie m'a beaucoup moins plu, et pour des raisons que j'aurais du mal à expliciter. Les personnages m'ont semblé plus fades, dotés de moins d'individualité. Les rebondissements sont assez convenus ou en tout cas pas assez préparés, ils me donnaient l'impression de tomber comme un cheveu sur la soupe.
Au final, mon avis sur ce roman est assez mitigé. Si Mathieu Gaborit est un maître pour construire des univers éthérés, pleins de charme, ce n'est pas un "raconteur d"histoires" comme je les aime, et ses personnages manquent de la force qui aurait pu donner vie aux protagonistes de Bohème...
Lu dans le cadre du Challenge Steampunk.