"Et maintenant, je regardai toutes ces fermes que j'avais toujours vues là : Favelard, Cussas, Galinat, les Bories, la Volpinière, et bien d'autres écarts plus lointains dont je connaissais les noms mais pas toujours les propriétaires, et je ne voyais rien que des ruines noirâtres et des bois qui continuaient à brûler."
Bienvenue à la fin des années 70, dans un petit village du Sud-Ouest de la France, près de Cussac. Petit village tout ce qu'il y a de plus franchouillard, avec ses bandes d'enfants devenus adultes qui jouent toujours à la guerre des boutons, son communiste, son curé, ses bonnes femmes piapiateuses et les élections municipales de 77.
Au milieu de tout cela, Emmanuel et ses amis d'enfance, qui s'apprêtent à présenter une liste contre le maire aux élections municipales. Emmanuel, et la château de son oncle, Malevil, vieille forteresse anglaise, médiévale. Malevil, une petite ferme et des chevaux.
Un jour, alors que rien ne le laissait prévoir, tandis qu'Emmanuel et ses amis mettent le vin en bouteille dans la cave du château, ils entendent une terrible explosion, suivie d'une vague de chaleur. Quelque part, pour une raison inconnue, une explosion nucléaire s'est produite, brûlant toute vie (sur Terre ? Juste en France ? La question n'est pas résolue …) .
Au delà de la catastrophe en elle-même, assez rapidement mise de côté (il n'y a par exemple aucune retombée radioactive et la nature, les précipitations reviennent assez vite à la normale – on est loin de La Route), ce qui intéresse Robert Merle, c'est l'organisation de la société. Qui dirige ? Comment ? Pourquoi ? Faut-il faire le choix de la démocratie ? Ou attendre qu'un leader charismatique ne se dégage ? Comment s'organisent les relations entre les groupes humains ?
Et quelle est la place de la religion dans la cohésion d'un groupe humain ?
En se demandant comment on construit société, Merle s'interroge également sur ce qui fait l'être humain et sur ce qui crée le charisme. Emmanuel, Fulbert et Vilmain sont trois leaders qui chacun prennent la direction d'une petite société : l'un par l'intelligence, le deuxième par la peur de la religion, et le dernier par la force.
Au delà des considérations philosophiques qu'il contient, c'est un roman que j'ai adoré. J'aime l'optimisme fondamentale de Merle, et ce désir que la vie continue, au delà de toutes les difficultés. Ce « croissez et multipliez » qui parcourt toutes les pages. Et j'ai aimé partager quelques temps avec ces personnages aux portraits hauts en couleur, dont la solidarité profonde leur permet d'avancer.
Un très beau roman, intelligent et fin, comme tous les romans de Merle...
Lu dans le cadre du challenge Fin du Monde
Lu dans le cadre du challenge La littérature fait son cinéma, car il a été (librement) adapté en 1981.