Dans le midwest américain, vit une famille heureuse. Curtis LaForche, un ouvrier travaillant dans une carrière, vit avec sa femme Samantha et ils soignent leur petite fille, Hannah, sourde. Leur quotidien est celui de nombreuses familles, la joie de vivre ensemble, les beaux-parents désagréables, les soucis d'argent pour soigner leur fille...
Mais une nuit, Curtis se met à faire des rêves atroces, d'une tempête qui dévasterait tout et dont les gouttes jaunes rendent fous hommes et bêtes, forcant Curtis à protéger sa fille à tout prix. Au réveil, le matin, Curtis est encore sous le choc de ses cauchemars et plie sa vie à se conformer à ses craintes en préparant un abris pour se protéger de la tempête. Petit à petit, des visions lui viennent même quand il est éveillé...
Est-il visionnaire ? Un Cassandre que personne n'écoute ? Ou est-il fou, la schizophrénie qui a touché sa mère le contaminant à son tour ?
Hésitant entre ces deux options, dans une famille qui frôle le délitement, dans un cadre social qui s'effondre, le film est un chef d'oeuvre. Il joue avec nos nerfs jusqu'à la fin, alors même qu'on sait que la fin ne pourra qu'être dramatique : ou la fin du monde approche, ou Curtis est fou et sera interné. Et le talent de Michael Shannon, qui passe imperceptiblement du bon père de famille rassurant et solide à l'être malade d'angoisse et de folie n'est pas pour rien dans la réussite du film. Jessica Chastaing, toute de grâce et de délicatesse, mère de famille et compagne tendre et douce, lui est un pendant parfait.
Il y aurait mille choses à dire sur ce film. Sur la vision de l'Amérique profonde, de ces petites familles dans leurs pavillons, de l'amitié qui unit les foyers, mais qui abandonne bien vite celui de ses membres qui se distingue. Sur l'incompréhension que rencontre Curtis quand il parle de ses cauchemars et la manière dont il est exclu de la société. Sur la très belle relation qui l'unit à sa femme, sur cette famille douloureuse et soudée, débordant d'amour et de tendresse. Sur l'isolement qui les touche peu à peu, dans cet abris sous-terrain et sur la beauté du soleil. Sur l'immensité des espaces et la petitesse du refuge. Sur ce que Curtis fait subir à la terre, en la trouant et en la perçant, et la manière dont la nature se venge...
C'est un terrible portrait de notre société, se repliant sur sa famille, son foyer, craignant le regard et la société des hommes, et tremblant que la Nature se venge (ou pas) un jour.