Angleterre - période victorienne. Une femme, Ada, muette depuis l'enfance, ne s'exprime que par son piano, dont elle joue avec talent et émotion. Son père la marie à un homme vivant au delà des mers, en Nouvelle-Zélande, sans qu'elle n'ait jamais vu que sa photo.
Elle part pour cette terre sauvage et ce mari inconnu, Alistair, avec sa fille (est-elle veuve ? Fille mère ?) et ses biens, ses crinolines, ses chapeaux et son piano. Arrivée sur une vaste plage, elle attend une nuit, avant que Alistair, son ami Baines et les porteurs indigènes ne parviennent à elle. Ses nombreuses caisses sont embarquées, mais le piano reste sur la plage : il n'y a pas assez de porteurs.
Dès cette première rencontre, une méfiance nait entre Ada et Alistair : elle ne lui pardonne pas d'avoir laissé son piano, son moyen d'expression ; il ne comprend pas cette femme si peu adaptée à la vie locale, et si étrange, sauvage, comparée aux autres femmes du village.
Mais Baines, l'ami, le blanc qui s'accoquine avec les maoris, est fasciné par Ada, son regard sombre et ses ses cheveux bien coiffés. Il récupère le piano, l'achète à Alistair avec une terre, et le revend, touche par touche à Ada, en échange de séances de piano sensuelles...
C'était la seconde fois que je voyais ce film et j'en connaissais l'histoire - même si certaines scènes m'ont encore semblées insoutenables. Je me suis donc perdue dans la beauté de l'image, de cette nature sauvage, de la musique enchantée au piano, de la beauté marquée des corps et des visages, Ada, Alistair, Bairnes. Certaines scènes sont d'une beauté suréaliste, comme la vue de ce piano gisant abandonné sur une plage aux vagues immenses, la grâce d'Ada jouant passionnément sur ce piano et sur cette même plage.
C'est une splendide histoire sur la manière de communiquer, sur tout ce qui peut se dire et qui ne passe par les mots, mais par les sons, la sensualité et l'émotion. Entre la société victorienne, froide et restreinte, et la société maori, où tout est communication, jusqu'aux tatouages sur les visages. Et Ada ne se sort de la première qu'en refusant le mode de communication "normal" : la parole.
Il y a une beauté monstrueuse dans le fait de superposer une époque victorienne raffinée et guindée et cette nature sauvage, immense, envahissante, sublime et boueuse. Ces hommes, ces femmes anglais ne semblent que des pustules sur le dos d'une forêt à laquelle les maoris appartiennent. Hélas, le "progrès" est en marche ...
Et ce piano participe à la juxtaposition surréaliste (quoi de plus complexe qu'un piano - si ce n'est une crinoline ?), et en même temps, à une réalité plus profonde : en créant de la beauté, en partant chercher au plus profond de ses émotions, Ada lui donne une place dans cette nature sauvage.
Vu en visionnage commun avec ma chère Sabbio. D'autres films à venir ...
Et vu dans le cadre du challenge Back to the past !