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29 août 2010 7 29 /08 /août /2010 13:35

poisonviolent.jpg"N'y va pas, j'veux que tu gardes un oeil vierge pour le mien !"

 

 

 

 

L'avis de Céline

C’est un très beau et doux film que nous avons été voir Jeudi. Un poison violent raconte les vacances de Pâques d’Anna, 14 ans, qui revient de pension dans son village d’enfance. Unité de temps et de lieu (à la seule exception de l’épilogue), unité de sujet aussi, puisque le film traite d’une crise. Crise d’adolescence, crise de foi, crise de la quarantaine pour le très beau personnage de la mère.

Deux trios se font face : Anna, Pierre, son camarade de classe, et Dieu d’une part ; Jeanne, sa mère, Paul, son père, et le père François, son curé. En miroir du couple parental qui se déchire, et tandis que sa mère va chercher le réconfort dans ses confessions au père François, Anna se sépare par degrés de Dieu, n’y trouvant plus les réponses aux questions qui l’assaillent et développe une idylle toute en délicatesse avec son camarade de classe Pierre.

Ce chassé-croisé entre la mère et la fille, la mère se séparant de son amour terrestre pour se tourner vers Dieu (ou plutôt vers son serviteur), la fille perdant son amour spirituel pour trouver les délicieux tourments du désir avec Pierre, est admirablement bien rendu, avec de nombreuses scènes se faisant écho (la scène du premier baiser, par exemple).

J’ai beaucoup aimé la manière dont sont opposées spiritualité et chair, avec le grand père et l’évêque pour les représenter l’une et l’autre. Face à l’évêque, un vieil homme froid, le grand-père (joué par un Galabru en pleine forme) est un Silène qui bouffe, qui pète, qui bande. Dans cet immense corps immobilisé dans un lit, se dégage une puissance de vie, un amour de la vie, qui balaie tout sur son passage, du curé venu prendre onctueusement des nouvelles, à la foi de sa petite fille. C’est lui qui, de loin, la fait s’allonger sur la « pierre à sacrifice » où Pierre va l’embrasser ; c’est lui qui, le premier, voit la femme en elle, la future mère, la future amante. C’est lui qui, par ses disques, ses revues, ses propos, lui démontre le caractère joyeux et lumineux de la sexualité et du désir, bien loin des propos de l’évêque, qui n’y voit que « débauche, impuretés, obscénités, idolâtrie, sorcellerie, haine, querelles, jalousie, colère, envie, division, sectarisme, rivalités, beuveries, gloutonneries et autres choses du même genre ». L'opposition se trouve aussi dans les lieux. Face à l'église glaciale et immense, face au cérémonial de la messe, c'est dans les bois et sur les pierres, en pleine nature que Pierre et Anna communient. Au moment du choix, Anna choisit la vie et la chair – et le paganisme.

Au delà même de cette réflexion profondément mystique, Un poison violent est surtout un magnifique film sur l’adolescence, sur sa crise, entre désir d’absolu et tentation de la vie, entre plaisanteries avec les copines et discussions avec sa mère, connaissance de soi et découverte des autres, entre la petite fille et la jeune femme. Le jeu de Clara Augarde, qui m’a un peu destabilisée, rend finalement très bien ces doutes et ces incertitudes, cette sensation de mal-être diffu.

Les autres acteurs ne sont pas en reste. En particulier le père de Clara, qui m’a fait fondre en larme juste en le voyant dévasté par le chagrin. Et surtout le père François, qui dresse un magnifique portrait d’homme tout d’un coup bousculé dans sa foi, tourmenté par ses désirs, incapable de porter les chagrins de son troupeau. La scène où on le voit se tordre et implorer Dieu dans son lit est splendide.

La réalisation est elle aussi extraordinaire : elle ne démontre jamais, n'explique pas, ne cherche pas à expliquer, mais, toute en légéreté, nous montre et nous donne à penser. Katell Quillévéré nous invite dans cette famille en plein marasme, et nous rend spectacteur de ce qui s'y passe, sans jamais chercher à briser la barrière des corps. A nous de chercher ce que pensent et ressentent les êtres, avec les rares pistes qui nous sont données, et le langage des corps et des regards. Je comprends que cette mise en scène puisse déstabiliser et déplaire ; elle m'a au contraire totalement séduite.

Enfin, l'image et la bande originale sont de toute beauté. Je pense en particulier à cet après midi sous la pluie, bercée par la musique de Greensleeves et les paroles de ce roi, lui aussi victime de ce "poison violent".

 

De manière plus anecdotique, ce film m'a aussi beaucoup touchée car j'y ai retrouvé beaucoup des ambiances dans lesquelles j'ai passé mes vacances, ado. J'ai retrouvé les mêmes bols de petit déjeuner j'ai retrouvé la pluie qui tombe sans se lasser, les journées de bouquinage, à peine habillée dans un grand pull, les lectures de BD, les copines qu'on retrouve le temps d'un papotage, les églises où des maquettes de bateau pendent du toit, ces angoisses sur ce corps qui se transforme... C'est sans doute ce qui m'a fait me sentir aussi proche d'Anna...

 

L’avis de B.

Katell Quillévéré réussit son premier film, Un poison violent, qui tire son titre d’une chanson de Gainsbourg à propos de l’amour. J’ai aimé même si le film n’est pas exempt de certains défauts qui m’ont un peu gêné.

Le synopsis peut paraître assez simple : une jeune adolescente sur le point de faire sa confirmation est aux prises entre l’attrait de la chair et de l’esprit. Quelle drôle d’idée que d’opposer chair et esprit mais, vous l’aurez compris, cette pauvre Anna est catholique, qui plus est avec cette violence de la foi des enfants (une prière avec l’icône pressée sur le sein – ce pauvre Jésus devait en être tout chose).

Anna vit dans un internat catholique afin de ne pas assister au déchirement de ses parents. Elle revient dans sa famille pour les vacances de pâques afin d’effectuer sa confirmation et trouve son père parti et sa mère Jeanne, splendidement interprétée par Lio, en pleine dépression. C’est dans cet état que Jeanne tente de se recentrer sur la religion dans laquelle elle a été élevée et qu’elle avait abandonné pour son mari. La religion est incarnée par le père François, plutôt sympathique et bon curé de campagne, proche de ses ouailles (une très belle scène le montre jouant comme un gamin au foot avec les enfants du village) et lui-même en proie aux affres de son désir pour Jeanne.

Dans ce champ de ruine, Anna est tiraillée entre sa foi d’enfant, pure et absolue, représentée par l’évêque ascète qui, dans son église glaciale, vilipende les tendances de la chair et le désir naissant qu’elle sent naître en elle, représenté par le jeune Pierre, sous le patronage égrillard de son grand-père, formidable Michel Galabru en vieillard impotent et jouisseur, païen au dernier degré (il entonne une chanson paillarde lors de la seule visite que le curé du village tente de lui faire), qui bande alors que sa petite fille lui fait sa toilette matinale et finit même par lui demander de lui montrer « l’endroit dont il vient ».

Vous l’aurez compris, nous faisons ici une plongée dans la religion catholique comme le montre la première scène à la messe. Katell Quillévéré nous montre deux fois absolues en la personne d’Anna et de sa mère. Comme dit plus haut, Anna a la foi des enfants, absolue et pure, la foi qui n’a encore jamais connu le doute de la chair alors que Jeanne, sa mère, a elle la foi mortifère de la déception, de ceux qui ont connu la chair mais que la chair a abandonné (son mari, un personnage séduisant mais lâche est parti vivre avec une autre et la laisse se racornir) et qui n’ont plus que le vide et le tourment à présenter à leur Eglise. Face à la naissance du désir, patronnée par son grand père, elle s’essaie pas à pas à la sensualité dans les bras du jeune Pierre (jolie image du premier baiser sur une pierre de sacrifice païenne). C’est ce qui provoque en elle un doute qui la conduira à renoncer à sa confirmation (un très joli évanouissement devant un évêque abasourdi).

Ce que nous laisse entendre Katell Quillévéré c’est que ce rejet absolu et imbécile de la chair par la religion catholique, cette volonté de mutiler l’être humain dans ses pulsions, va conduire Anna à s’éloigner de son dieu. Le jeune curé de campagne, lui aussi proie au doute et au désir aurait bien mieux su expliquer à Anna que non, l’esprit ne s’est jamais opposé à la chair.

C’est un joli film très lent, très contemplatif, qui procède par petites touches pour suggérer le chemin franchi par Anna (elle finira par choisir de s’évanouir en pleine église devant un évêque ébahi afin d’éviter sa confirmation). C’est une chose que j’ai aimé dans le film quoique j’aurais apprécié que certains éléments soient un tout petit peu plus explicites (après en avoir discuté avec Céline, certaines scènes qu’elle a immédiatement comprises pour avoir plus ou moins ressenti ce genre de choses à cet âge n’était pas du tout clair pour l’ancien petit garçon que je suis).

Anna est superbement interprétée par Clara Augarde, toute en délicatesse, retenue et timidité. Pas de grands éclats, pas de déballages de tripes, juste une belle jeune fille qui s’illumine de complicité avec son père, hésite, pleine de maladresse face à l’inconnu de son éveil au désir et de l’apprentissage du regard de l’homme.

La mise en scène est très discrète mais il faut avouer que le genre ne se prête pas nécessairement aux prouesses de ce côté-là. La photographie est parfois inégale mais certaines scènes sont très belles et Katell Quillévéré sait créer des ambiances et laisser les personnages évoluer dans des séquences assez longues. Elle filme la beauté naissante et les hésitations d’Anna avec une très belle délicatesse (notamment de nombreux plans sur les cheveux magnifiques de Clara Augarde et ses regards timides).

J’ai toutefois été beaucoup gêné par le montage. J’ai en effet trouvé que les transitions entre les scènes étaient parfois très abruptes ce qui conduit à trop découper le récit nuire à sa fluidité. J’ai aussi trouvé que Katell Quillévéré manquait par moments de courage. Elle amène en effet ses personnages à des moments de gêne mais les laisse alors immédiatement pour passer à la scène suivante. Pourquoi ne pas laisser cette gêne s’installer un peu plus et montrer le maigre prétexte extirpé à grand peine pour se séparer ?

Il reste que le film est malgré cela une réussite et une excellente surprise. Je pense que ses défauts s’expliquent aisément par le fait qu’il s’agit d’un premier long métrage. La réalisatrice montre à mon sens ici un joli talent.

Enfin, une mention toute particulière à la bande originale dominée par le magnifique Creep de Radiohead repris par la chorale Scala.  

 

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commentaires

D
<br /> <br /> Bonjour Céline, j'espère voir ce film avant qu'il ne soit trop tard. Il semble rencontrer un joli succès public. Pour un premier film, c'est encourageant. Bonne soirée.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> J'espère qu'il n'est pas déjà trop tard (on était 5 dans la salle Jeudi, au Gaumont Parnasse, au plein coeur de Paris).<br /> <br /> <br /> Au pire, je pense qu'il passera très bien en DVD.<br /> <br /> <br /> <br />

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