"Alors, l'autre chauffeur avait lancé : 'Les femmes, c'est comme les ouragans : quand elles débarquent, elles sont toutes humides et chaudes et quand elles foutent le camp, elle vous prennent votre maison et votre voiture. ' "
Au début des années 2000, Dave Rudmann est un chauffeur de taxi londonien. Il vient de se faire plaquer par sa femme, Michelle, qui est partie emmenant avec lui son fils, Carl. Dépressif, il est drogué aux médicaments, au désespoir, à la haine, au racisme, et ballade son fiel dans les rues de Londres, au volant de son taxi. Un jour, il rédige un livre, remplit de sa haine pour les femmes, et du monde en général, et de la Connaissance, ce savoir encyclopédique des rues de Londres que doivent posséder les chauffeurs de taxis londoniens.
510 après Dave. Cela fait maintenant plus de 500 ans que le Livre de Dave a été trouvé, et contraint tous les aspects de la vie en Ingleterre.
Les "papas" et les "mamans" vivent séparement. A chaque "Alternance", les enfants changent, quittant les "papas" pour les "mamans" et vice-versa. Chez les papas, des "opaires" s'occupent des plus jeunes. Tous les jours, les "papas" récitent les "Courses" sous l'oeil avisé du "Chauffeur".
Tout va pour le mieux, jusqu'au jour où Symun Devush proclame avoir trouvé un autre Livre de Dave, qui remet en cause le précédent...
"Tard dans le troisième tarif, alors que le phare était sur le point de se mettre en code, Antonë Böm était assis à écrire son journal."
C'est vraiment un livre très bizarre. Il alterne chaque chapitre entre le présent et le futur, et d'une manière qui n'est pas toujours chronologique. Dans le futur, la plupart des dialogues sont dans une sorte de langage SMS, et parsemés de références au Livre de Dave. Il y a d'ailleurs à la fin un lexique fort utile. Bref, c'est un bouquin qui demande énormément de concentration, et que je ne regrette pas d'avoir lu en français et non en VO.
"Dave Rudman aurait dû les accompagner, mais il avait regimbé. Il ne voulait pas partir travailler, ou étudier, ou même se procurer du hash à bon marché à l'étranger. Tous ses pairs désiraient s'en aller de Londres - du moins pour un moment - alors que Dave voulait s'y incruster plus profondément. Lun-dun - comment des syllabes aussi plombées pouvaient être aussi magiques ? Il avait un besoin maladif de Londres comme d'une identité. Il voulait être un londonien - non un cadre de direction à douze mille livres par an, marié à Karen, qui aimait ce putain de Spandau Ballet."
Malgré ces difficultés, c'est un livre extraordinaire. Les passages dans le présent décrivent la vie d'un raté, d'une manière très sombre, assez acide et avec pas mal d'humour noir. Dave est un pauvre type, une victime de la société qui fait que les plus faibles, les plus fragiles, sont enfoncés. Mais on ne peut pour autan l'aimer, tellement la haine qui transpire de tous les pores de sa peau est dérangeante. Michelle est une garce manipulatrice, mais peut-on lui en vouloir de quitter l'homme qui la battait ainsi que son fils ? (la réponse est : non, bien sûr).
Quant au futur ... Après des débuts assez lumineux (L'île de Ham est présentée comme une sorte de paradis terrestre), l'histoire vire peu à peu au cauchemar au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans l'Ingleterre vers le Nouveau Londres. Certaines scènes (l'abattage des motos ou le supplice de la Roue) étaient à la limite de l'insoutenable, et la fin ... me laisse espérer une suite.
Au final, c'est un livre vraiment riche et intéressant. La critique de notre société est acerbe, mais c'est surtout la critique des Eglises qui me semble la plus violente. Il y a un peu de Pullman en Will Self. C'était vraiment éloigné de ce que pensais lire en ouvrant ce livre (un bouquin post-apo drôle et déjanté).