"elle levait son visage vers le ciel qui était bas si bas qu'il semblait comme une tente affaissée écraser sous sa masse tous les sons tous les parfums de la nuit le chèvrefeuille surtout que j'aspirais qui recouvrait son visage sa gorge comme de la peinture son coeur battait contre ma main je m'appuyais sur mon autre bras il commença à tressaillir à sauter je dus haleter pour saisir un peu d'air dans l'épaisseur grise de tout ce chèvrefeuille."
C'était mon second essai de lecture avec Le Bruit et la Fureur et, heureusement, le dernier. Je ne crois pas que j'aurais eu le courage de réessayer. Je ne peux pas dire que j'ai vraiment apprécié ma lecture, même si je reconnais l'immense talent de l'auteur.
Le travail littéraire et stylistique de Faulkner est impressionnant. La manière dont il arrive à se mettre successivement dans la tête d'un débile mental, d'un dépressif et d'un type apparemment "normal", avant de revenir à une narration de type "narrateur omniscient" est parfaite. Sur ce plan, c'est magistral.
Je suis aussi impressionnée par son talent pour dévoiler l'histoire par petite touche, en se basant sur les témoignages les moins clairs d'abord, pour peu à peu prendre du recul et "faire le point". On dirait un appareil photo qui se fixe peu à peu sur un paysage que l'on déchiffre petit bout par petit bout.
Je comprends tout à fait le Prix Nobel qui lui a été remis. Il porte le stream of consciousness à son point le plus haut. Et c'est clairement "a tale, full of sound and fury, told by an idiot".
"Merci j'ai beaucoup entendu parler votre mère ne se formalisera pas j'espère si je jette mon allumette derrière le garde-feu beaucoup entendu parler de vous Candace ne cessait de parler de vous à Lick J'en étais sérieusement jaloux je me disais qui ça peut-être ce Quentin il faut que je vois la tête qu'il a cet animal-à parce que j'étais bel et bien pincé vous savez dès le premier jour où je l'ai aperçue cette petite je n'ai aucune raison de vous le cacher il ne m'était pas venu à l'idée que ça pouvait être son frère dont ele parlait comme ça elle n'aurait pas parlé de vous davantage si vous aviez été le seul homme au monde si vous aviez été son mari vous ne voulez pas changer d'avis et accepter un cigare"
Voilà. Reste la question du plaisir de lecture et là ... J'avais tenté la première fois de me laisser porter par les mots, et ça avait été un échec. J'ai profité des vacances pour m'y remettre, en espérant pouvoir profiter de longues plages de lecture. J'ai d'abord pris une feuille et un crayon pour écrire au fur et à mesure l'arbre généalogique de la famille (pas simple, car un personnage porte deux noms, et deux personnages portent le même).
Comme ça ne suffisait pas, j'ai ouvert les pages wikipedia française et anglaise consacrées au roman pour essayer de suivre. Il faut savoir que les deux premières parties sont racontées par des gens dont l'esprit fait des sauts dans le passé, dans les souvenirs, dans des souvenirs différents, sans que rien ne soit indiqué pour signaler qu'on change d'époque.
Là, j'ai réussi à suivre - à m'immerger dans ces conditions là, il ne fallait pas trop en demander.
Le style est extraordinaire, l'idée sous-jacente brillante, mais c'est trop expérimental pour que je prenne réellement plaisir à le lire.
L'autre chose qui m'a réellement agacée, ce sont les personnages. Aucun des quatre frères et soeur n'est attachant, bien au contraire. Et la palme revenant sans doute à Miss Quentin, qui m'a donné envie de la gifler régulièrement. Mais elle n'est pas seule. la mère hypocondriaque aussi. Comme Jason et ses récriminations perpétuelles, le père et sa philosophie désabusée. Quand à l'égoïsme, je ne sais pas qui de Caddy ou de Quentin le porte le plus haut.
En fait, j'avais tous envie de les gifler.
Tout ça pour dire que j'ai très sérieusement compté les pages...
Lu dans le cadre du challenge du Prix Campus
Lu en LC avec Maggie