"Ce qu'on aime, ce qu'on déteste, ce que l'on cache au fond du coeur ou ce que l'on n'arrive pas à cacher, ce qui nous embarrasse, nous réjouit, des histoires du passé ou de l'avenir, la vérité ou n'importe quoi, tout est possible. On dit ce qu'on a envie de dire à ce moment là."
La narratrice est affligée d'un atroce mal de dos, qui l'oblige à se soumettre à des séances de torture, appelées 'séances d'étirements', et à faire de la natation (là, je compatis, parce que le sport, hein, ... bref...). Or, un jour, sortant de la piscine, elle est fascinée par une vieille femme, assise dans le vestiaire, d'apparence plus que commune. Poussée par une curiosité insatiable, elle commence à discuter avec cette dame, en lui posant plein de questions.
Quelques jours après, elle la recroise dans une allée de supermarché, accompagnée d'une de ses amies ; elle les suit, dans les rues, à travers un parc et une forêt profonde, pour aboutir à des barres d'immeubles abandonnées. Là, au sein d'une loge de gardien, se trouve un placard, la petite pièce à raconter, dont la vieille femme est la gardienne.
"La petite pièce à raconter paraissait tranquille et à l'aise. Il n'y avait pas cette tension palpable lorsque les gens attendaient leur tour pour raconter. Les parois tout juste frottées, fraîches, semblaient capable d'absorber autant de mots que nécessaire."
C'est un très beau court roman. L'image de cette pièce hexagonale, qui voyage de ville en ville pour aller là où les gens ont besoin d'elle, leur offrir son silence ouaté propice aux confidences, et le vide, l'épuisement qui en découle. Cette pièce est bien évidement une allégorie de la psychanalyse. D'ailleurs, les douleurs dorsales de la narratrice disparaissent dès qu'elle aborde sa séparation d'avec son compagnon. Mais cette allégorie est finement amenée, dans le style plein de poésie de Yoko Ogawa.
Les personnages sont également très beaux. Il y a la narratrice, et ses proches, des êtres perdus dans le quotidien, qui se débattent dans la réalité, la paëlla renversée, les rendez-vous loupés. Et il y a Midori, la vieille femme, et son fils Yuzuru, gardiens de la pièce, à la fois spectaculaires et invisibles : "L'impressionnante banalité qui émanait de son corps tout entier gommait son âge, ses goûts et sa personnalité, tous ces éléments qui permettent de juger une personne à la première rencontre."
C'est un récit très riche, qui me fait regretter de ne pas mieux connaître tous les mécanismes de la psychanalyse, afin de mieux l'apprécier. Tout semble avoir une signification cachée. Pourquoi cette pièce est hexagonale ? Est-ce pour mimer la forme d'un crayon, un autre instrument avec lequel poser nos pensées les plus profondes, comme le pense Wictoria ? Le fait que la rencontre se fasse dans une piscine a-t-il une signification ? Et les trajets dans le bois, à la recherche de Midori ?
C'est un roman qui me laisse avec beaucoup de questions, et sous le charme de son écriture poétique et imagée.
Lu dans le cadre de Découvrons Yoko Ogawa avec Pimprenelle !