"I have considered the eyes of the world for so long that I think it is time I had a little holiday from them. If one is not to please oneself in old age, when is one to please oneself ? There is so little time left!"
Lord Slane est mort, à l'âge vénérable de 94 ans. Il a traversé le XIXème siècle, homme politique de premier plan et ancien vice-roi des Indes, accompagné de sa femme, la douce Lady Slane, aujourd'hui veuve. Ses enfants, surtout les très actifs William et Carrie, se précipitent pour trouver à leur mère un logement, une vie qu'ils maîtriseraient complètement. Mais quelle n'est pas leur surprise d'apprendre que la vieille dame, qui a toujours laissé les autres lui dicter sa conduite, a pris sa décision : une maison à Hampstead, qu'elle avait vue il y a trente ans et où elle avait dès lors décidé de se laisser mourir, dans laquelle elle veut vivre seule, paisible, juste accompagnée de sa bonne Genoux.
Là, sous le soleil de la terrasse, ou dans un calme salon, elle pourra revenir en paix sur sa vie, sur ses désirs et ses ambitions, si soudainement abolis le matin où Henry lui a fait sa demande en mariage. Des fantômes pourront venir la visiter, lui faire revivre des pans entiers de son existence...
"Oh, what a pothern she thought, women make about marriage! and yet who can blame them, she added, when one recollects that marriage - and its consequences - is the only thing that women have to make a pother about in the whole of their lives?"
C'est un roman superbe. Je me suis laissée porter par la langue de Vita Sackville-West, que j'avais déjà tant aimée dans Haute-Société. Elle a une noblesse et une poésie qu'on ne trouve pas très souvent. Et le personnage de Lady Slane est un des plus beaux personnages que j'ai rencontrés. Cette très vieille femme, chez qui on découvre encore la toute petite fille un peu garçon-manqué ou l'adolescente ambitieuse et pleine d'énergie, est merveilleuse. C'est la grand-mère idéale !
"For a life of her own, he had substituted his life with his interests, or the lives of her children with their potentialities. He assumed that she might sink herself in either, if not in both, with equal joy. It had never occurrend to him that she might prefer simply to be herself."
C'est aussi et surtout un roman féministe. Il dénonce amèrement la manière dont les femmes sont privées de vie - ou paient le prix de leur indépendance. Henry est un homme bien, qui aime sincèrement sa femme et qui souhaite la voir heureuse. Mais le bonheur n'existe pas pour les femmes de l'époque victorienne, en tout cas pas le bonheur qui passe par l'accomplissement des possibilités de chacun.
Et les enfants de Lady Slane, dont la plupart sont des imbéciles patentés, ne font rien pour apporter le bonheur à leur mère une fois l'âge venu. Cherchant à la faire entrer dans la "case" de la veuve accablée, ils montrent encore une fois qu'ils se moquent de ce qu'elle peut penser ou ressentir ...
En tout cas, ce roman est encore une fois un chef d'oeuvre. Je pense que je préfère lire Vita Sackville-West à Virginia Woolf. Elles abordent toutes les deux des thèmes comparables et le stream of consciousness est aussi présent dans les romans de Vita (surtout celui-ci où on passe beaucoup de temps dans les pensées de Lady Slane). Mais les romans sont moins ardus à lire et possèdent quelques touches d'humour qui les rendent plus légers !
Lu en anglais
Lu dans le cadre du challenge My Little Village in the countryside sur whoopsy-daisy
Lu dans le cadre du challenge Vintage, sur whoopsy-daisy