" 'Maintenant, messieurs, il nous faut décider de quelle manière nous devons agir contre les rebelles. Est-ce offensivement ou défensivement ? Chacune de ces deux manières a ses avantages et ses désavantages.La guerre offensive présente plus d'espoir d'une rapide extermination de l'ennemi ; mais la guerre défensive est plus sûre et présente moins de danger. En conséquence, nous recueillerons les voix selon l'ordre légal, c'est à dire en consultant d'abord les plus jeunes par le rang.' "
Voici un roman qui trainait dans ma PAL depuis plus de 10 ans. J'avais même tenté de le lire, autrefois, en prépa sans doute (j'ai retrouvé une fiche de révision "Colorants utiles pour l'étude de la paramécie" ...). Et, étrangement, je m'étais arrêtée aux deux tiers de ce très court roman, sans le finir.
Il raconte l'histoire de Piotr, un jeune homme de famille, envoyé par son père au service militaire. Il échoue, avec son fidèle serviteur, dans une ville de garnison très à l'est de la Russie, dirigé par un commandant bonhomme, qui vit là avec sa femme - la véritable commandante de la garnison, et sa fille. Après quelques mois relativement paisible, où Piotr passe tombe amoureux de la fille du capitaine, et entame une querelle avec un de ses collègues, le fourbe Chvabrine (de toute façon, il a été en France, c'est donc obligatoirement un méchant).
Jusqu'au jour où attaquent les troupes rebelles de Pougatchev, un usurpateur se faisant passer pour le tsar, que Piotr a peut-être déjà croisé ...
Malgré sa taille (il est trop très court), c'est un roman que j'ai bien apprécié. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Stendhal en le lisant, particulièrement au Lucien Leuwen du début à Nancy. Mais un Stendhal où le héros est russe et entretient une relation très particulière avec son serf (lequel est réellement soumis à l'autre) ; où son aimée est totalement discrète et passive, où l'histoire d'amour est très vite mise de côté au profit de la passionnante chronique politique : qui est ce Pougatchev ? Une ordure ? Un génie ? Bon ? Méchant ? Piotr ne sait pas comment réagir face à ce populiste brillant et séduisant, et le lecteur avec lui est entraîné dans son questionnement.
En face, c'est la critique d'une Russie à moitiée féodale et laissée dans une sorte d'anarchie tranquille. Les communications sont si difficiles, les distances sont si longues, que chaque commandant, chaque dirigeant est le seigneur de son domaine et n'a de comptes à rendre à personne.
Au final, j'ai vraiment apprécié cette lecture, qui m'a plongée dans la Russie du XVIIIè, une endroit beaucoup dépaysant et exotique que je ne pensais. Je regrette seulement que l'auteur n'ait pas plus développé son récit, traité certaines parties avec moins de précipitation. La fin, surtout, va beaucoup trop vite à mon goût.
Première (et dernière, je le crains) participation à l'Hiver Russe.