" 'Pardon me, then, Sir Clement, if I speak to you with freedom. This young lady, though she seems alone and, in some mesure, unprotected, is not entirely without friends; she has been extremely well educated, and accustomed to good company; she has a natural love of virtue, and a mind that might adorn any station, however exalted: is such a young lady, Sir Clement, a proper object to triffle with?' "
Les amis, je saute partout, je halète, je couine, je ris toute seule dans le métro, je soupire, je tressaille. Et je suis amoureuse (littérairement, s'entend, sinon, je sens qu'un certain B. va venir demander des comptes).
Ne me parlez plus de Darcy, j'ai trouvé son modèle et il a toutes les qualités : "the friendship he has shewn me - his politenes, his sweetness of manners - his concern in my affairs - his solicitude to oblige me. "(je l'ai lu tellement de fois sous la plume d'Evelina que maintenant, je le sais par coeur).
Ah ... Evelina ... Quelle adorable ravissante idiote ... Issue de deux nobles familles, elle a grandi, sans mère et sans père (les raisons, une vraie histoire à part entière, en sont expliquées dans les deux premières lettres) auprès d'un saint homme (oui, oui, à l'entendre répéter toutes les trois pages, on finit par le comprendre qu'il est sage, généreux, obligeant, tendre et gentil), le révérend Villars.
Alors qu'Evelina a dix-sept ans, une amie de Villards, Lady Howard invite la jeune fille à lui tenir compagnie, ainsi qu'à sa fille, Mrs Mirvan, et à sa petite fille, Miss Mirvan.
Prenez une petite campagnarde élevée chez un vieillard à la campagne, emmenez-la à Londres en pleine saison fashionable : que pensez-vous qu'il arriva ? Elle se rend ridicule, et c'est très très drôle.
Ce qui rajoute du piquant, c'est qu'elle est splendidement belle (et qu'elle attire donc tous les hommes qui passent - certains d'ailleurs ne restent pas très longtemps après l'avoir entendue bégayer, dire des sottises, et s'enfuir en rougissant, ce qu'elle finit par faire fort bien, avec l'expérience).
Et encore plus : une grand-mère française (et totalement vulgaire), quelques amis bruyants et franchement mal élevés, une famille de cousins absolument désastreux.
Épicez avec un Lord. Orviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiille !!!
C'est drôle. C'est niais. C'est fantastique.
"It is very true, said Lord Orville, that I did not, at our first acquaintance, do justice to the merit of Miss Anville."
Et c'est la source d'inspiration de Jane Austen, quand elle écrit Pride and Prejudice : des scènes de bal qui se terminent mal ; un prétendant maladroit et franchement pas engageant ; une parente vulgaire et marieuse ; quelques proches plus présentables ; un séjour dans une demeure chic en compagnie quotidienne du cher-et-tendre to be, etc. etc. etc. La principale différence consiste en la personnalité de l'héroïne : Evelina est bête à manger du foin, surtout comparée à Lizzie.
"When they were sitting together during the Opera, he told her that he had been greatly concerned at the impertinence which the young lady under her protection had suffered from Mr Lovel; but that he had the pleasure of assuring her, she had no further disturbance to apprehend from him."
(Il s'est battu en duel ! Pour elle ! Orviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiille, je couine)
Bon, j'avoue, il y a des longueurs : le burlesque se marie pas toujours très bien au romantique. Les disputes entre le capitaine Mirvan et Madame Duval sont longues, très longues et très répétitives.
Les prétendants de Miss Anville sont très lourds eux aussi. La lecture du roman ne permet pas de comprendre comme Orville tombe amoureux d'Evelina : elle est souvent embarrassante, parfois grossière, et semble manquer complètement d'esprit. En revanche, on comprend très bien les raisons pour lesquelles elle s'amourache de son Lord (Orviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiille).
Mais, je pardonne tout à fait : Frances Burney a écrit Evelina à 17 ans...
C'est également passionnant pour découvrir une Angleterre très très loin de celle décrite par Austen : si on retrouve les gentlemen polis et respectueux, on en trouve également quelques uns très pressants (et c'est clairement pas pour se marier) ; les jeunes filles marchant dans une promenade risquent à tout moment de se faire violer (et la seule compassion qu'elles s'attirent, c'est un "vous aviez qu'à ne pas marcher là bas." ; les vieilles femmes de se faire détrousser. On s'éloigne des verts pâturages pour trouver une Angleterre diablement violente - et misogyne.
"It has always been agreed, said Mrs. Selwyn, looking round with the utmost contempt, that no man ought to be connected with a woman whose understanding is superior to his own."
Et l'anglais est tellement beau à lire, tout plein de "thy" et de "shall" ! La moindre remarque devient élégante sous cette plume. Je me suis délectée à chaque phrase (à l'exception des phrases de Madame Duval et du capitaine, je dois l'avouer, qui elles sont plutôt argotiques).

Sans le Défi XVIIIème, je ne l'aurais sans doute jamais ouvert. Donc : merci Canthilde !!
C'est un classique anglais
Et c'est lu en VO !