C’est en arpentant les allées du salon du livre l’année dernière que j’ai découvert The Name of the Wind (en français Le nom du vent) premier volume de la trilogie King Killer Chronicle (en français traduit avec les pieds Chronique du tueur de roi). Si j’ai été intrigué par une très bonne quatrième de couverture, autant le dire tout de suite, j’ai rarement été aussi séduit par une première page, et en tout cas jamais dans un roman de fantasy. Le second volume (The Wise Man’s Fear) qui est sorti il y a quelques semaines est tout aussi réussi que The Name of the Wind.
Ces deux romans sont un vent d’air frais dans le monde de la fantasy sur tous les plans : stylistique, construction, fond.
Kvothe est une légende vivante, le héros de centaines d’histoires et de chansons. Kvothe est mort. C’est pourtant lui que nous retrouvons comme tenancier anonyme d’une auberge dans laquelle s’arrête Chronicler, un scribe qui va le reconnaître et obtenir qu’il nous raconte son histoire.
J’ai aimé cette construction habile. Nous sommes au temps présent et l’histoire qui nous est racontée a déjà eu lieu. Qui plus est, elle nous est racontée par son protagoniste principal, bien trop intelligent pour son/notre bien. Cette construction par autobiographie donne une fraîcheur incroyable aux deux premiers opus des King Killer Chronicle. Elle permet en outre de créer une attente et un décalage entre l’histoire haletante que nous suivons et ce temps présent qui n’avance pas. Pourtant, nous ne sommes pas long à nous rendre compte que le mystère se situe aujourd’hui, que l’autobiographie de Kvothe n’a d’autre objet que de nous mener à cette auberge et que c’est au moment où l’autobiographie se clôturera que les choses décisives interviendrons. Qu’est-ce que fiche Kvothe, le héros de toutes ces histoires, dans cette pauvre auberge paumée ?
Cette construction est maline et efficace mais pourrait rapidement s’avérer pesante si le personnage même de Kvothe n’était pas à la hauteur. Rassurez-vous, il l’est amplement.
Kvothe est un petit génie, mage, conseiller de rois, esprit brillant, lettré, ménestrel de génie, combattant hors pair et surtout, maître dans l’art de se créer des ennuis. Kvothe n’a pas une once de modestie en lui, il est parfaitement conscient de ses talents et ce qui pourrait faire de lui un petit crétin prétentieux lui donne un charme et un charisme fou. Et puis sincèrement, ça vous intéresse vous l'histoire d'un type banal et sans intérêt ? Vous avez déjà vu une légende à propos d'un type banal ? Kvothe nous raconte sa vie mais il est l'auteur d'innombrables balades et chansons, vous ne vous attendiez tout de même pas à ce qu'il perde la main alors même qu'il raconte la plus importante des histoires : la sienne.
Mais je m’efface devant Kvothe lui-même qui saura bien mieux que moi se présenter :
« I have stolen princesses back from sleeping barrow kings. I burned down the town of Trebon. I have spent the night with Felurian and left with both my sanity and my life. I was expelled from the University at a younger age than most people are allowed in. I tread paths by moonlight that others fear to speak of during day. I have talked to Gods, loved women, and written songs that make the minstrels weep.
You may have heard of me. »
(« J’ai enlevé des princesses des tombeaux de rois oubliés. J’ai brulé la ville de Trebon. J’ai passé la nuit avec Felurian et l’ai quittée à la fois avec ma vie et mon âme. J’ai été expulsé de l’Université à un âge auquel la plupart n’y sont pas même admis. J’ai arpenté des chemins à la clarté de la lune dont d’autres n’osent pas même parler le jour. J’ai parlé aux dieux, aimé des femmes et écrit des chansons qui font pleurer les ménestrels.
Vous avez peut être entendu parler de moi ».)
Rothfuss maîtrise parfaitement cette construction. L’autobiographie est utilisée dans tous ses aspects. Elle permet de dynamiser le récit, de donner une tribune à Kvothe, sa personnalité et son géni et s’avère une trouvaille géniale pour insuffler le mystère et l’attente. Kvothe a écrit des chansons qui font pleurer les ménestrels, son talent et son intelligence brillent à chaque page ; nous dit-il réellement toute la vérité ? Se joue-t-il de nous ?
Rothfuss reprend de nombreux codes du genre et les détourne. Une part non négligeable du premier volume se passe à l’Université et pourtant, sur une situation aussi proche d’Harry Potter, la différence n’est que plus flagrante. On sort du jardin d’enfant pour entrer dans le monde adulte.
J’aime aussi une chose. A la fin du second volume de la trilogie je ne sais toujours pas où Rothfuss nous amène. Je suis totalement transporté dans son monde, je me laisse balloter par Kvothe et sa plume enchanteresse, je suis totalement en son pouvoir, au pouvoir d’un narrateur puissant et présent. Vous êtes le spectateur d’un homme qui vous conte sa vie, et qui ne se cache pas d’être à l’origine d’une bonne part des légendes qui circulent à son compte.
Enfin, fini la fantasy barbare dans laquelle on vous conduit à fil de prophétie et de bataille en bataille jusqu’à sauver le monde, sauver la princesse et découvrir que vous êtes bien le fils du roi… Fini les personnages taillés à la tronçonneuse, les dialogues à la Conan le Barbare (moi tuer toi et moi manger toi avec carottes et panais cuits au four, émulsion asperges vertes et épices – oui Conan est peut être débile mais aux fourneaux c'est lui l'patron). Rothfuss ne fait pas que « bâtir un monde ». Rothfuss nous dévoile son personnage, ses interactions, ses amis et ses ennemis. Vous passerez du temps à discuter, refaire le monde, tomber amoureux avec Kvothe, fouiller avec lui dans les archives tentaculaires de l’université etc. Rothsfuss laisse aux petits détails de la vie ordinaire le temps d'exister et c'est aussi l'une des bonnes surprises de ces romans.
Rothfuss laisse le temps au temps et emplit son univers de petites choses qui nous rendent Kvothe et son entourage familier. C’est la première fois qu’un héros de fantasy est dépeint d’une telle façon que je me prends à me sentir proche de lui, à me dire tiens je prendrais bien un verre avec lui.
Autre nouveauté, voilà ENFIN un roman de fantasy bien écrit. Rothfuss a enfin compris que l’histoire ne fait pas tout et croyez-moi, qu’est-ce que ça fait du bien !
Enfin, la magie fondamentale est celle du nom. Les mages les plus puissants sont les Namers. Out le réservoir de pouvoir de la Roue du Temps où si vous êtes pas tombés dedans quand vous étiez petit bah tant pis pour vous, et bienvenue dans le monde où les mages sont ceux qui savent comprendre le monde, le voir tel qu’il est, pénétrer jusqu’au sens profond des choses pour mieux les contrôler.
Bienvenue dans The Name of the Wind et The Wise Man’s Fear, les deux premiers opus de la trilogie du King Killer Chronicle, le renouveau de la fantasy acclamé par une critique unanime. Vous en avez peut être entendu parler. En tout état de cause, vous ne le regretterez pas.
B.
PS : je joins ci-dessous la quatrième de couverture de The Name of the Wind :
« My name is Kvothe, pronounced nearly the same as "quothe." Names are important as they tell you a great deal about a person. I've had more names than anyone has a right to. The Adem call me Maedre. Which, depending on how it's spoken, can mean The Flame, The Thunder, or The Broken Tree.
"The Flame" is obvious if you've ever seen me. I have red hair, bright. If I had been born a couple of hundred years ago I would probably have been burned as a demon. I keep it short but it's unruly. When left to its own devices, it sticks up and makes me look as if I have been set afire.
"The Thunder" I attribute to a strong baritone and a great deal of stage training at an early age.
I've never thought of "The Broken Tree" as very significant. Although in retrospect, I suppose it could be considered at least partially prophetic.
My first mentor called me E'lir because I was clever and I knew it. My first real lover called me Dulator because she liked the sound of it. I have been called Shadicar, Lightfinger, and Six-String. I have been called Kvothe the Bloodless, Kvothe the Arcane, and Kvothe Kingkiller. I have earned those names. Bought and paid for them.
But I was brought up as Kvothe. My father once told me it meant "to know."
I have, of course, been called many other things. Most of them uncouth, although very few were unearned.
I have stolen princesses back from sleeping barrow kings. I burned down the town of Trebon. I have spent the night with Felurian and left with both my sanity and my life. I was expelled from the University at a younger age than most people are allowed in. I tread paths by moonlight that others fear to speak of during day. I have talked to Gods, loved women, and written songs that make the minstrels weep.
You may have heard of me.
So begins the tale of Kvothe—from his childhood in a troupe of traveling players, to years spent as a near-feral orphan in a crime-riddled city, to his daringly brazen yet successful bid to enter a difficult and dangerous school of magic. In these pages you will come to know Kvothe as a notorious magician, an accomplished thief, a masterful musician, and an infamous assassin. But The Name of the Wind is so much more—for the story it tells reveals the truth behind Kvothe's legend. »