« Elles se tiennent en retrait de la piste. Assise sur une chaise, l’une ouvre et ferme de ses doigts gantés un carnet de bal. A côté d’elle, l’autre observe l’évolution des danseurs : couples qui virevoltent, mains qui s’agrippent, souliers qui martèlent, jupes qui tourbillonnent, parquet qui ploie. Dans une heure, ça sera le nouvel an et, derrière elles, la nuit noircit les vitres. Celle qui est assise porte quelque chose de pâle – Esme ne sait plus quoi, au juste - , l’autre, une robe rouge foncé qui ne lui va pas. Elle a perdu ses gants. C’est là que tout commence.
Ou peut-être pas d’ailleurs. Le début se situe peut-être plus tôt, avant le bal, avant que les deux jeunes filles aient revêtu leurs nouveaux atours, avant qu’on ait allumé les bougies et parsemé du sable sur le parquet, bien avant l’année dont elles fêtent la fin. Qui sait ? Quoiqu’il en soit, les choses se terminent devant une fenêtre grillagée dont les carrés font deux ongles de pouce de côté, très exactement. »
Ce roman choral donne la parole à trois femmes : Iris, une sorte de Bridget Jones aux amours difficiles ; sa grand-mère, Kathleen, une vieille femme atteinte d’Alzheimer à qui le passé revient en flash ; et Esme Lennox.
Un jour, Iris reçoit un coup de téléphone : l’asile psychiatrique va fermer ses portes et voudrait que la jeune femme vienne chercher Esme Lennox, sa grand-tante, car elle est la seule famille qui lui reste. Mais Iris n’a jamais entendu d’Esme, ne savait même pas qu’elle avait une grand-tante, enfermée depuis ses seize ans pour des raisons futiles, et dont sa famille a totalement occulté l’existence.
Entre les souvenirs d’Esme, les radotages de Kathleen, et les recherches d’Iris, ce roman nous raconte une époque où on enfermait à vie les femmes sous des prétextes stupides : une telle avait été violée et voulait se venger de son violeur, une telle ne rentrait pas dans les codes de la jeune fille parfaite et gênait sa famille … C’était une vie sacrifiée, toute une vie entière, parce qu’elles se refusaient de se soumettre aux bienséances. Absolument glaçant.
Mais ce roman raconte surtout l’histoire d’un secret de famille : une plongée dans des rancunes d’une autre époque, un questionnement sur ses origines qui m’a rappelée les premiers romans de Kate Atkinson.
Et puis, c’est merveilleusement écrit. Merveilleusement « mis en scène », pour qu’on arrive, petit à petit à la vérité. Un petit bijou, émouvant et terrible.
Lu pendant la Semaine celtique (car le Champagne, c'est chic, mais la Guiness, c'est celtique !)
et dans le cadre du challenge de littérature irlandaise
Ainsi que du challenge God Save the livres !