"Fille d'Aeolis, Canace repose ici ensevelie dans ce tombeau, la petite Canace dont le septième hiver fut le dernier. Ô crime ! Ô forfait !"
Je ne vais pas aujourd'hui vous parler d'un roman, mais d'une étude, menée par un paléopathologiste, sur les morts violentes dans l'Antiquité, principalement gréco-latine.
Ce chercheur a pour objet d'études les squelettes et les épitaphes. Il a connu une certaine gloire il y a quelques années lorsqu'il a publié son enquête sur la cause de décès d'Agnès Sorel. C'est à l'Antiquité qu'il s'intéresse dans cet ouvrage, et plus précisément, à ces morts "jeunes", assassinés, morts de maladie, ou éxécutés. Ces morts précoces angoissaient beaucoup les grecs et les romains qui craignaient que les fantômes de ces morts qui n'avaient pas fait leur temps reviennent dans le monde des vivants et soient utilisés par des personnes malfaisantes pour commettre des crimes.
"A peine elle achevait, une chaleur soudaine pénètre le sang du cadavre ; et ce sang commence à couler dans toutes les veines du corps. Dans ce sein glacé jusqu'alors, les fibres tremblantes palpitent, et la vie rendue à ce corps qui en avait oublié l'usage, en s'y glissant, s'y mêle avec la mort."
(c'est mieux que les vampires sauce mormonne, non ?)
Ce bouquin est passionant ! Extrêmement bien documenté, il n'est jamais ennuyeux : j'ai été émue au bord des larmes parfois, en lisant ces épitaphes écrits pour un fils ou une épouse. La description d'un cimetière, sis face à un complexe quasi industriel (une teinturerie) m'a donné des frissons : sur les 222 squelettes contenus dans cet espace, 40 % appartenaient à des jeunes de moins de douze ans et les deux tiers d'entre eux présentaient des lésions physiques articulaires, dues au travail. Ces quelques chiffres ont dressé devant mes yeux le tableau d'une enfance exploitée, où des gamins de moins de 10 ans travaillaient jusqu'à l'épuisement.
La plume de Philippe Charlier a ce don : il fait revivre devant nos yeux des êtres morts depuis deux millénaires, séparés de nous par près de cent générations, et retrace des vies, des chagrins, des angoisses toujours actuelles.
Merci de ce voyage !
"Voyageur qui t'en va marchant d'un pas pressé, arrête, je t'en prie, au milieu du bosquet, sans dédaigner ces vers qui s'offrent à tes yeux.
J'ai vécu douze années, chez les hommes, et deux jours. J'ai connu et appris Pythagore et les Sages et, dans les livres, lu les vers sacrés d'Homère. Sur mon boulier, j'ai appris tous les calculs d'Euclide. je me suis fait plaisir et j'ai beaucoup joué, turbulent que j'étais ..."