"S'il ne l'a pas tué, quelle différence qu'il ne parle pas russe ?" Je m'aperçois que j'ai du mal à écrire cet article, je ne sais pas pourquoi. On a vu le film Mardi, et j'ai repoussé jusqu'à aujourd'hui l'écriture de ce billet, en attendant l'inspiration. Elle n'est pas venue. Pourtant c'est un film que j'ai énormément aimé.
Il reprend le film de Sidney Lumet, Douze hommes en colère. Le film commence quand, après trois jours d'un procès accablant, les douze jurés se retirent dans un gymnase (le tribunal est en travaux) pour délibérer. En entrant dans la salle, leur opinion est faite : l'accusé est coupable, il a tué son père adoptif sans aucun doute raisonnable, et dans 20 min, chacun de ces hommes va pouvoir retourner vaquer à ses occupations. Sauf que parmi ces douze, un homme choisit de donner une chance au doute et de ne pas condamner un homme à la perpétuité sans prendre le temps de discuter. Alors qu'il faut l'unanimité pour rendre le verdict, il choisit de voter non coupable. Petit à petit, un par un, chacun de ces jurés va découvrir lors du débat qui s'ensuit des inexactitudes, des erreurs dans l'enquête, et ils vont finir par innocenter l'adolescent. J'aime autant le dire tout de suite : cet aspect du film n'est pas le plus réussi. Les retournements de situation sont parfois assez grossiers, arrivant comme un cheveu sur la soupe. Les démonstrations qui permettent de convaincre les uns et les autres ne me convainquent pas personnellement. L'hommage est maladroit.
Mais ce n'est pas grave. Car ce n'est pas le jeune tchétchène enfermé dans sa cellule, le véritable accusé de cette histoire. C'est la Russie. Chaque débat est l'objet d'un témoignage de la part d'un juré, témoignage qui enfonce ce pays. Racisme, antisémitisme, corruption, pots de vin, mafia, égoïsme, et cette propension à danser sur un abîme qui est celui de beaucoup de sociétés actuelles. C'est poignant, beau, réel, réaliste. Comme le journal intime d'un pays qui se cherche.
Et puis, 12 est un beau film. Un peu grandiloquent, un peu kitsch, un peu surjoué. Oui. C'est ce qui en fait sa poésie. C'est un beau film dans les flashbacks montrant comment la politique et le fanatisme de quelques uns peuvent conduire un gamin de 5 ans, orphelin, à errer dans les rues d'une ville en ruine recouverte de cadavres, entre les tirs de kalashnikov, en tenant contre lui le cadavre de son chien. Ou à regarder l'eau couler du doigt d'un cadavre vers la bouche d'un autre, images atroces, mais encore plus atroces lorsqu'elles sont reflétées dans le regard d'un innocent. Beau aussi quand il filme les jurés. Ce sont généralement des très gros plans, qui s'attardent sur les traits de ces hommes matures, sur leurs rides comme il s'attarde sur leur vie et leur passé. Des plans bien équilibrés, qui font naître une harmonie à partir d'un cadre qui ne l'est pas, un gymnase. Alors oui, c'est long. Mais pas une seconde j'ai regretté cette longueur. Au contraire, à la fin du film, je voulais rester. Parce que finalement, de l'ingénieur ressuscité au chauffeur de taxi barbare, j'avais fini par m'y attacher à ces douze jurés. Et une mention spéciale à l'acteur qui joue le chauffeur de taxi, Sergeï Garmash, extraordinaire d'un bout à l'autre, de la violence à l'épuisement. Dasola a également beaucoup aimé.
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Bonjour Céline, merci pour ce billet. Je suis contente de ne pas être toute seule à aimer 12. Cela sort de l'ordinaire. On n'a pas l'impression de perdre son temps. Je vais mettre ton billet en<br />
lien sur le mien. Bon dimanche.<br />
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Je vais faire pareil !<br />
C'est vrai qu'on a l'impression de voir un film comme on en a jamais vu. C'est rafraichissant !<br />
Mais quand je pense que ce film est sorti en 2007 en Russie, et qu'il a fallu attendre 3 ans pour le voir en France ! La frilosité des distributeurs de cinéma m'inquiète beaucoup...<br />
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