J'ai été voir Rebecca avec une inquiétude sensible : ce roman de Daphnée du Maurier est l'un de mes favoris de la littérature anglaise, et une mauvaise adaptation aurait eu le don de me faire bondir.
Ouf ! Je n'ai pas bondi : dès les premières images, j'ai été séduite. Un jardin brumeux, plein d'étrangetés, comme entraperçu dans un délire : "Last night, I dreamt I went to Manderley again ..."
L'histoire est fidèle à la lettre au roman. A Monte-Carlo ("Monte"), Mrs van der Hooper est en villégiature avec sa très jeune et timide dame de compagnie, dont on ne connaîtra jamais le nom. Dans le même hôtel, arrive Maxim de Winter, veuf qui a fait la couverture des journaux à l'occasion du terrible accident qui a emporté sa belle épouse, Rebecca de Winter. Mrs van der Hooper, animal social, fait tout pour se rapprocher du socialite ; mais lui, c'est la douce dame de compagnie qui l'attire.
Il l'épouse, et l'emmène dans sa magnifique demeure de Manderley : la nouvelle Mrs de Winter pourra-t-elle à la hauteur de Rebecca ? Qu'importe, puisque la gouvernante, la terrifiante Mrs Danvers veille.
La trame du roman est respectée à la lettre, et, bien que connaissant la fin et les rebondissements qu'elle apporte, j'ai été clouée aux lèvres de la jolie Mrs de Winter, tremblant devant ses gaffes, et fascinée par la méchanceté de Mrs Danvers.
Mrs Danvers ... Déjà terrifiante dans le roman, elle en devient monstrueuse et glaçante. Ombre noire qui se détache sur les voiles rosés de la chambre de Rebecca, démon pernicieux dont les conseils ne sont pas dépourvus d'arrières pensées, j'ai frémis avec Mrs de Winter. Il parait que l'actrice jouant Danvers, Judith Anderson, était une actrice de théâtre réputée pour jouer Shakespeare ; en particulier, sa représentation de Lady Macbeth a marqué les esprits : je veux bien le croire ! Elle devait être époustouflante !!
Mrs de Winter (Joan Fontaine) est aussi bien trouvée: si j'ai eu peur au début car elle surjouait trop la naïve, elle a fini par me séduire ; quant à Maxim de Winter, il est parfait (peut-être pas assez beau, mais de Winter est un de mes perosnnages masculins préférés). Anglais jusqu'au bout des ongles, d'une froideur parfois inquiétante, il est parfait dans le double rôle de ce gentleman inconsolable.
Ce qui me fascine, envers et contre tout, dans cette histoire, c'est le vide autour duquel elle tourne. Je m'explique : son personnage principal, qui lui donne son titre, est morte depuis plus d'un an. Pas une fois, on ne voit Rebecca - mais on ne parle que d'elle. On ne la connait que par des descriptions plus ou moins objectives, mais elle est celle qui emplit l'espace du roman ou du film, pour ne laisser aucune place à la nouvelle Mrs de Winter.
D'elle, on ne connait que le "R" de son initiale. Et pourtant ! Sans elle, pas d'histoire...
Bref, une petite merveille qui ne me donne qu'une envie : me replonger dans Rebecca. Mais en anglais, cette fois !