
Ce film - est-il besoin de le redire ? - raconte les préparatifs du suicide d'un homme dont le compagnon est mort, dans un accident de la route, quelques mois auparavant.
D'images de la vie quotidienne en flash back, Tom Ford déroule devant nous la dernière journée d'un être qui a choisi de dire adieu à ce qui l'entoure, ses étudiants, ses voisins, et sa tendre et chère amie de toujours. La caméra suit le regard de cet homme, s'attache à des détails, l'oeil ultra maquillé de son amie, les torses nus des étudiants jouant au tennis, la robe bleue de sa petite voisine. Des sourires, des rires dont il se sent exclus. Une page déjà tournée.

Sauf que la tentation de vivre est encore là, bien présente. Elle est dans les possibilités d'amour qui s'ouvrent, elle est dans la chaleur amicale que lui déploie Charley, elle est surtout dans l'angoisse de la mort et dans l'insoutenable difficulté de mettre sa propre mort en scène.
J'ai vu ce film il y a longtemps déjà, quelques semaines, mais sa puissante nostalgie est encore là. Certaines de ses images ont si profondément imprégné ma rétine qu'elles ne s'effaceront pas de sitôt.
Alors certes, j'ai lu ça et là que ce film est trop beau, trop précieux, et qu'il ressemble à une pub pour du parfum plus qu'à un drame. Peut-être. Que le style en soit précieux, c'est indéniable. Que chaque plan soit travaillé mille fois pour arriver à l'image parfaite, oui. Mais cette beauté permet de transcender ce dialogue entre instinct de mort et instinct de vie. Sans ces images léchées jusqu'au grain de l'image, l'émotion aurait été moins forte.
Mais c'est l'amoureuse de poésie qui dit ça... J'ai retrouvé dans A single man quelques uns des aspects qui me mettent au bord des larmes en lisant Lamartine. Un vers comme "L'air est si parfumé, la lumière est si pure ! Au regard d'un mourant, le soleil est si beau" aurait parfaitement sa place dans ce film.
Autre chose lue et avec lequel je suis en désaccord : ce film serait un film sur l'homosexualité. Non. C'est un film sur le deuil.
Bien sûr, du fait que le narrateur soit homosexuel, ce film parle d'homosexualité. Comme il parle de Los Angeles. Comme il parle du quotidien d'un professeur d'université. Comme il parle des années 60. L'homosexualité de George fait partie du cadre du récit, avec ses remarques acerbes de son voisin, répétées par la bouche fraiche de la petite fille, avec le désir de Charley que George vive avec elle une "vraie relation".
Mais plus encore que l'homosexualité du narrateur, l'homosexualité du réalisateur donne une touche particulière. Dans sa promenade autour de George, la caméra s'attarde avec gourmandise sur les hommes. Leurs torses nus et musclés. Leurs lèvres gourmandes. Leurs regards. C'est rare de voir le corps des hommes ainsi détaillé. On est habitués au caméras impudiques sur les femmes, mais même les réalisatrices n'osent pas se délecter ainsi.
Bref, un film splendide et délicat. Un bijou.