"I now spend must of my time not looking forward, but looking back."
L'avis de Céline :
Never let me go est l'adaptation du roman d'Ishiguro Auprès de moi toujours, qui m'avait tellement plu l'an dernier. Trois enfants, élevés dans une Institution anglaise jusqu'au bout des doigts, Hailsham, se retrouvent à l'âge adulte, quand leur destinée, douloureuse et terrible s'accomplit.
Deux aspects du roman me semblaient difficile à adapter au cinéma : comment amener avec autant de finesse qu'Ishiguro le sujet du roman ? Et comment adapter le style, anglo-japonais, d'Ishiguro ?
Sur le style, je n'ai pas été déçue : par sa lenteur observatrice, par ses teintes automnales, le film reprend tout à fait l'ambiance de fin de cycle, fin de siècle d'Ishiguro. L'image, son grain un peu passé, sa construction presqu'artificielle est d'une très belle beauté formelle.
En revanche, l'autre aspect n'a pas été compris par le réalisateur. Ces enfants, comme tous les autres enfants d'Hailsham, ont une particularité qu'Ishiguro nous dévoile longtemps après le début, après nous avoir laissé découvrir Kathy, Ruth et Tommy. Cette annonce, le film la fait dès les premières images, ruinant à mon avis toute l'intelligence de Never let me go.
Pour tout vous avouer, j'ai failli partir dès le début, de rage. Mais la beauté des images que j'avais sous les yeux m'a fait rester - et je ne l'ai pas regretté. Car, cette première minute (ainsi que la scène de la mort de Ruth, et les dernières images de la dernière scène) exceptée, j'ai trouvé ce film très réussi. On retrouve le malaise insidueux d'Hailsham, la beauté de la campagne anglaise, les petites routes, les premiers émois amoureux, et la rage monstrueuse de la fin.
Ce film est surtout porté par ses acteurs. Keira Knightley, que je ne supporte pas d'habitude, trouve le moyen d'être correcte. Sans surjouer (bon, sans jouer non plus, il faut bien l'avouer), elle endosse relativement bien le rôle de la garce égoïste et peste qu'est Ruth. Heureuse surprise.
En revanche, j'attendaius peut-être un peu trop de Carey Mulligan, qui, bien que toujours excellente, reste un peu passive et discrète à mon goût.
Mais ce film a surtout été celui d'une découverte : si j'ai apprécié le joli visage d'Andrew Garfield dans The Social Network, je ne m'étais pas vraiment intéressée à son jeu, j'ai été sidérée par sa prestation de Tommy, un personnage aussi dysemblable que possible de celui d'Eduardo. Ce garçon trop grand, mal dans sa peau, colérique, timide, plein de vie et d'un coeur trop grand pour ce monde n'est pas un de ces rôles faciles. Et pourtant, Andrew Garfield devient Tommy avec une aisance extraordinaire - et m'a émue au plus profond de moi sur cette route pluvieuse d'Angleterre.
En conclusion, j'ai trouvé que ce film était d'autant plus frustrant qu'il ressemblait parfaitement à la manière dont j'aurais voulu le voir adapté - à quelques échecs dramatiques près.
L’avis de B :
J’ai tellement aimé le roman de Kazuo Ishiguro que j’avais peur de voir ce film. J’avais raison.
Dès la première minute tout est irrémédiablement gâché. Là où toute la construction et l’intelligence du roman est de nous plonger dans un monde relativement familier et d’instiller petit à petit le doute et le malaise, jusqu’à ce que le lecteur finisse par comprendre ce que sont ces enfants, le film dévoile le pot aux roses en 3 lignes d’introduction.
De là la question suivante : pourquoi nous montrer Hailsham ? A quoi cela sert-il dès lors que tout est dit ?
Il est clair au visionnage de ce film que le principal problème a été le temps. Le roman d’Ishiguro fonctionne par petites touches impressionnistes, les personnages sont complexes et profonds, leurs émotions intenses et subtiles et tout cela n’est pas transposable à un film en l’état à moins d’avoir 15 heures à sa disposition.
C’est peut être le comble mais je reproche aux scénaristes de ce film de ne pas avoir su faire le choix de s’éloigner du roman pour mieux l’adapter au format cinématographique. Tout est traité mais trop vite, trop mal et trop lourdement par manque de temps. Je pense qu’en ayant voulu rester trop proche de la ligne narrative du roman, l’adaptation l’a trahi de la plus insidieuse des manières, il lui a fait perdre sa grâce et sa subtilité.
Le réalisateur tourne avec une enclume, probablement du fait de ce manque de temps (principalement au début à Hailsham). Certaines scènes sont assenées avec une telle lourdeur que je me suis plusieurs fois pris à lever les yeux au ciel.
Ceci dit, tout n’est pas mauvais non plus. Il est difficile de faire d’un chef d’œuvre pareil un navet. Certaines scènes sont belles, l’image est plutôt jolie et les acteurs époustouflants.
Andrew Garfield est tout simplement merveilleux. Son jeu recèle une complexité et un tourbillon qui crèvent l’écran. Il est l’un si ce n’est le principal atout de ce film. Carrey Mulligan est elle aussi très bien (comme d’habitude – eh oui j’assume, j’adore Carrey Mulligan). Elle est elle aussi bouleversante.
Bon sinon Keira Knightley s’est encore plantée de registre : elle a confondu ce tournage et celui de l’exorciste (car oui Madame Knightley être malade n’est pas exactement la même chose qu’être possédé par le démon ... mais bon ça, demander de la subtilité à cette actrice c’est comme demander à Van Damme de jouer Darcy).
Bref, une déception même si ce film recèle certains beaux moments et si je n’ai pas passé un mauvais moment. Son principal défaut est de ne pas être à la hauteur mais en même temps, le roman est un tel chef d’œuvre qu’il fallait s’y attendre.