"I'm not a king. I'm a Navy officer."
Est-il vraiment besoin de rappeler l’intrigue de ce film, dont tout le monde parle en ce moment, et qui a reçu l'Oscar du meilleur film ?
Un homme bégaie. Une enfance difficile dans le Londres du début de siècle, un père tyrannique et violent, une mère glaçante, une pression trop tôt exercée sur cet enfant timide, et il bégaie.
Lui, ça ne le gêne pas tant que ça, et sa femme, une piquante anglaise pleine de charme et d’esprit, non plus. Tout pourrait en rester là, avec cet être pétrifié de terreur en public, et incapable de se sentir à l’aise ailleurs qu’en famille, s’il n’y avait un « mais » et de taille : « What if my husband was the Duke of York ? ».
Héritier du trône d’Angleterre, à une époque où la radio se développe, et où le charisme de certains les porte au pouvoir, à une époque où de sombres dangers planent sur l’Europe, et où l’Angleterre va avoir besoin d’un homme derrière lequel se ranger.
Voilà en quelques mots l'histoire de ce film, que j'ai adoré (je sais, je suis d'une originalité folle ; et c'est pas comme si je m'en doutais, que j'allais l'aimer). Il entrecroise la petite et la grande histoire avec talent.
Petite histoire dans le portrait de cet homme, Bertie, que Colin Firth incarne à merveille (à croire qu'il a un talent pour jouer les anglais renfermés, Darcyiiiiiiiiiiiii). C'est un homme assez peu aimable, que ce Bertie : arroguant, colérique, froid, orgueilleux, il ne se révèle que dans sa famille, et avec ses filles. C'est là qu'il se laisse suffisament aller pour se débarrasser de sa carapace, et devenir un père de famille tendre et souriant.
Petite histoire aussi que ses relations avec les deux seuls êtres qui l'apprécie pour lui-même : sa femme et son thérapeute Lionel Logue. Ces deux personnages sont admirablement rendus. Helena Bonham Carter campe une Queen Mom adorable et attachante, pleine de vivacité, tendre et lumineuse. Elle est "reine", jusqu'au bout des ongles, et semble être ma seule à l'aise dans ce rôle royal.
Quant à Lionel Logue, il est fantastique : à la fois rebelle, mais impressionné par le titre royal ; proche, mais gardant ses distances ; fier, mais acceptant sans broncher les humiliations que lui fait subir un Bertie pas en veine de politesse. Et sa femme, la charmante Myrtle, est une perle : sa réaction en croisant la reine dans sa cuisine est un petit régal ...
Au delà de ce trio, j'ai trouvé que ce film posait avec intelligence la question de la place de la fonction et de l'être humain, dans le personnage public : Bertie, tout à son image et à sa fonction de prince royal, en tombe malade ; mais son frère Edward, qui privilégie sa vie et ses plaisirs, ne peut être roi. Ce genre de rôle public nécessite donc un subtil équilibre entre responsabilité de la charge, et liberté de l'être humain ; rappeler cette vérité, à une époque où la personnalisation de la vie publique et des personnages politique est de plus en plus importante, me semble très intelligent.
Car, en plus de l'histoire individuelle, ce film se penche sur l'Histoire : quand la radio devient le moyen privilégié de contact entre un roi et son peuple ; quand des dictateurs au verbe haut prennent le pouvoir ; quand la guerre menace et éclate, qu'est ce qu'un pays peut faire d'un dirigeant incapable de parler ? "The nation believe that, when I speak, I speak for them ! but I can't speak."
Ce film pose la question de la forme et du fond, autre aspect de plus en plus prégnant de notre vie politique : une homme politique intelligent et capable ne vaut rien face à un orateur de talent, quelque soit ses idées. Et si un dirigeant veut rassembler autour de lui, il doit pouvoir parler, et parler avec talent.
C'est un film magnifique que ce King's speech, intelligent et riche. S'il pâtit peut-être un peu d'une mise en scène d'un classicisme à tout épreuve, celle-ci forme comme un écrin dans lequel le jeu des acteurs, Colin Firth en tête, se déploie.
A voir, et à revoir.