Le blog d'une curieuse, avide d'histoires, de récits, de livres, de film et d'imaginaire.
« A certains moments, l'ancien et l'actuel, la douleur et le plaisir, la crainte et la joie, se mêlaient en moi étrangement. Tantôt, j'étais au ciel, tantôt en enfer, mais, le plus souvent, dans les deux en même temps. »
Harry est un homme solitaire, passionné de littérature, de musique, d’art, fasciné par la bourgeoisie, ses parquets encaustiqués, ses paliers aux plantes verdoyantes et ses habitudes. C’est dans ce milieu qu’il a été élevé et dont il s’est profondément éloigné. Car Harry a un loup des steppes en lui. Un loup des steppes et un penseur qui cohabitent difficilement. Quand le penseur a le dessus, Harry lit, Harry se passionne pour les mythologies extrême-orientales, Harry écoute Mozart, le génie de tous les temps et se passionne pour Goethe ; pendant ce temps, le Loup des steppes découvre ses dents jaunes et rit. Quand le Loup des steppes gagne, Harry erre dans les rues, boit, boit, boit dans un caboulot misérable, se moque de tout et de tous ; et le penseur juge, froidement.
Harry est tellement malheureux qu’il attend la mort, le suicide, avec impatience ; un rasoir l’attend chez lui et il a décidé d’en faire usage. Mais ce rasoir l’effraie et il ne peut se résoudre à regagner sa chambre. Et, dans son errance nocturne, il rencontre une jeune femme qui va lui apprendre à se réconcilier avec ses multiples facettes et la vie.
Je pense que chaque personne lisant ce livre va y trouver quelque chose de différent, d’unique. Le propos que Hesse tient parle aux pensées, aux interrogations, aux angoisses de chacun. Qui suis-je ? Qui est ce moi ? Comment puis-je vivre heureux ? Comment se débarrasser de tous ses préjugés, du regard des autres ?
Pour ma part, j’y ai puisé plusieurs choses : une réflexion sur la culture, d’abord. Y’a-t-il des œuvres d’arts supérieures à d’autres ? Mozart est-il supérieur à un solo de Jazz endiablé ? Un texte de Hugo à un roman de chicklitt ?
Une réflexion sur les multiples facettes que chacun a en soi, également. Je suis « je » mais je suis également l’adolescente au moment des premiers émois, je suis l’enfant joyeuse, je suis la lycéennes intello, je suis, je suis, je suis. Et il faut apprendre à vivre avec ces facettes, ce que sait faire la joyeuse Hermine, le fascinant Paulo, mais que Harry n’arrive pas à faire.
Et puis, le style de Hesse, enfin. Il m’avait déjà ému profondément dans Narcisse et Goldmund, et là, encore plus. Les émotions, les odeurs, les impressions sont restituées de manière savoureuse. Quand on est assis avec Harry sur les marches de l’escalier, on sent la douce odeur d’encaustique, on touche le tapis rouge à peine usé des marches, on voit resplendir les feuilles régulièrement nettoyées.
Une grande œuvre, à lire, relire et relire, à différents moments de sa vie pour y trouver à chaque fois un message personnel.