
Des images qui clignotent, floues, comme vues entre des yeux mi-clos. Des bruits lointains, étranges, agressifs, de grilles, de clés, de cris. Des insultes qui fusent, on ne sait pas d'où.
Un gamin, Malik, 19 ans, cheveux trop longs, cicatrice sur la joue, l'air paumé face à son avocat, qui lui annonce son transfert à la centrale.
Découverte d'un milieu différent. Une sorte de huis clos surpeuplé, où règne la promiscuité, la saleté, la tension, la violence. Où les matons ne sont que des pièces aux mains de deux joueurs autrement plus puissants, le clan des Barbus, et celui des Corses. "Si tu ne le tues pas, c'est moi qui te tue" et voilà Malik à la solde du puissant, du léonin parrain des Corses, César. Le film dure six ans, six ans pendant lesquels le petit Malik, armé de sa timidité, de son insignifiance, de son intelligence, de sa curiosité et de son profond désir de vivre, va s'adapter à la prison et devenir un parfait criminel.
Ce film n'est pas un film social dénonçant les conditions de détention en France. Il le fait malgré tout, montre la misère de notre système pénitentiaire, ses efforts infructueux pour réinsérer, la violence qui transforme de agneaux égarés en loups dangereux. Mais ce n'est que le cadre. Ce qui compte, c'est Malik, ses remords, sa lutte quotidienne et cruelle pour sa survie et ces quelques instants d'émotion absolue, quand il retrouve par moment la liberté, le chant des oiseaux et les vagues de la mer léchant ses pieds.
Via ce jeune garçon, le film acquiert une résonance intemporelle, quasi mythologique : le petit rien qui, par son talent et ses épreuves, devient chef, héros, parrain, prophète, dieu est de tous les temps, de tous les lieux et de tous les mythes.
Et le regard un peu perdu de Tahar Rahim, face au magistral Niels Arestrup (extraordinaire César), donne toute sa profondeur au petit Malik.
Bref, un film dur, violent, sans concessions, mais un chef d'oeuvre inoubliable.