« Au dessus de sa tête, les voiles blanches, tendues, gonflées, chantaient, et tous les sons du navire, qu’elle avait appris à aimer, lui parvenaient dans leur puissance, leur gaieté : grincement des grandes poulies, tension des cordages, bruit sourd du vent dans les gréements ; et, d’en bas, dans l’entrepont, la voix des hommes en train de rire et de plaisanter. »
Dona St Columb est une élégante aristocrate londonienne du XVIIIème siècle. Vive, indépendante, sauvage, et aventurière, elle pimente sa vie de lady, d’épouse et de mère en se dévergondant dans les restaurants mal famés, et en ridiculisant des vieilles dames. Un jour, prise par la lassitude, elle décide de fuir cette ville et cette vie pourrissantes et elle s’installe, seule avec ses enfants, dans la demeure de famille de son mari en Cornouaille.
Elle y redécouvre le bonheur. Elle joue avec ses enfants dans les herbes hautes, dort au soleil, se promène dans les sous-bois boueux, et regarde la mer et les bateaux. Un soir, du haut de la falaise, elle voit arriver un voilier. A son bord, se trouve Pierre Blanc, le fameux pirate français qui terrorise les bourgeois de la région. Bien évidement, ce qui doit arriver arrive, et la lady trop indépendante et le pirate sensible et cultivés tombent amoureux.
Il faut l’avouer, il y a un peu de 'Harlequin' dans ce roman. Daphnée du Maurier n’est pas arrêtée par les facilités, ni les incohérences, et nous sert une histoire simple, aux personnages bien arrêtés, gentils comme méchants, une histoire émouvante parsemée d’aventures rocambolesques.
Mais, elle le fait avec le talent de Daphnée du Maurier. J’ai suivi la passion entre ces deux personnages avec intérêt, je me suis amusée des rebondissements, des aventures des uns et des autres, j’ai frémi, j’ai pleuré, j’ai ri et j’ai souri. Et surtout, je me suis délectée du style. J’ai senti l’herbe fraîche sous les pieds de Dona, j’ai goûté la pomme dans laquelle elle croque, mes cheveux se sont emmêlés du même vent qui gonfle les voiles de la Mouette, et quelques boulets de canon ont fait chauffé mes oreilles. Et ça, c’est tout ce que je demande à un roman !
Mais Daphnée m’a donné plus encore. Certaines des obsessions qui poursuivent la narratrice dans Rebecca font également réfléchir Dona. Qui est-elle ? Est-elle la mère ? L’épouse ? La maîtresse d’un pirate breton ? Est-elle plus à sa place sur ce bateau, déguisée en mousse, ou magnifiquement parée dans ce salon bourgeois ? Laquelle de toutes ces femmes est Dona ?
Ce livre, au-delà de l’amourette romanesque un peu cul-cul, ne parle que des difficultés qu’il y a de faire coïncider ses différentes personnalités, ses différentes facettes. A la fin, Dona sera obligée d’admettre qu’elle ne peut pas ne pas choisir, qu’il est impossible d’être mère, épouse et mousse pirate en même temps, qu’elle doit sacrifier une part d’elle-même.
Et c’est sur cet aspect très amer, et profondément naturaliste que se termine le roman, bien loin de la collection Arlequin…