Quand j'ai vu que John Malkovitch, un acteur dont je suis complètement sous le charme, mettait en scène les Liaisons dangereuses, dans une adaptation écrite par Christopher Hampton du roman de Choderlos de Laclos, j'ai trépigné. Quoi ? Un acteur que j'adore, qui montre une compréhension extraordinaire du rôle de Valmont (et des rôles de séducteurs manipulateurs pervers en règle générale), mettant en scène l'une des histoires les plus belles et savoureuses de la littérature française ! Bien sûr, j'ai pris des places ! Je ne pouvais pas faire autrement !
Quelques temps après, j'ai eu des doutes : un bon acteur est-il par nature un bon metteur en scène ? Comment le roman epistolaire passe-t-il au théâtre ? Et l'affiche ? Elle est pas un peu racoleuse ?
Ces réserves ont été balayées dès les premières minutes : j'ai adoré d'un bout à l'autre cette (longue) représentation. Je ne voulais pas quitter le théâtre et j'ai redouté de voir les dernières scènes, si cruelles.
Mais revenons sur mes réserves …
Racoleuse, cette pièce ? Non pas plus crue que le texte de Choderlos de Laclos. Les français (enfin, les autres peut-être aussi, mais je parle de ce que je connais) se piquent souvent d'imaginer la littérature classique comme purement intellectuelle et désincarnée. Malko et sa troupe d'acteur redonnent corps, chair, sang, chaleur au texte de Laclos. Et si Valmont écrit une lettre à la Tourvel dans le lit d'une prostituée nue, il suffit de relire le roman pour en retrouver la trace. J'avoue que l'on est moins habitué à la nudité au théâtre que l'on peut l'être au cinéma, et je ne peux qu'admirer les acteurs (surtout une, en fait), qui, faisant fi de leur pudeur, se dévoilent ainsi devant nous.
Ce détail ainsi abordé (j'avoue que l'affiche a vraiment failli me faire renoncer au spectacle), qu'en est-il de Malko en metteur en scène ?
Il fait un choix étonnant : alors que le roman est épistolaire, avec pour ressort de l'histoire ce que savent les uns et les autres des intentions de chacun, il choisit de faire exactement l'inverse. En effet, les acteurs restent en scène durant toute la durée de la représentation. Quand ils ne jouent pas, ils sont assis autour de la scène, nous faisant face comme une second public. C'est là que je trouve la plus grand modernité de la mise en scène (bien plus que l'utilisation anecdotique des téléphones portables et des tablettes). De nos jours, cette histoire ne se retrouverait pas dans des lettres, ni même des mails, mais serait rendue publique sur des walls de facebook, au vu et au su de tous les protagonistes.
Mais au delà de l'incohérence qui semble émerger de ce paradoxe, le talent des acteurs nous permet de croire à leurs personnages. Valmont, Merteuil et Tourvel forment en particulier un trio épatant, imprégnés qu'ils sont de leurs personnages, Valmont, léger et cruel, Tourvel sage et passionnée, Merteuil, cynique et implacable.
Un must-see, donc, au théâtre de l'Atelier !