"Doranthe et moi, nous sommes destinés l'un à l'autre, il doit m'épouser ; si vous saviez combien je lui tiendrai compte de ce qu'il fait aujourd'hui pour moi, combien mon coeur gardera le souvenir de l'excès de tendresse qu'il me montre, si vous saviez combien tout cela va rendre notre union aimable, il ne pourra jamais se rappeler notre histoire sans m'aimer, je 'y songerai jamais que je ne l'aime ; vous avez fondé notre bonheur pour la vie en me laissant faire, c'est un mariage unique, c'est le coup du hasard le plus singulier, le plus heureux, le plus ..."
Silvia a été promise par son père à Dorante, le fils d'un ami que ni l'un ni l'autre n'a jamais rencontré mais qui est précédé d'une réputation des plus flatteuses. Pour mieux connaître avant de s'engager l'homme avec lequel elle va passer sa vie, Silvia échange de rôle avec sa servante, Lisette, pour surprendre Dorante quand il n'est pas en situation de séduction.
Mais ce à quoi elle ne s'attendait pas, c'est que Dorante fasse la même chose avec son valet, Arlequin, et se présente chez son père sous le déguisement de Bourguignon.
Voilà Lisette et Arlequin à se séduire, sous les traits de grands seigneurs, tandis que Silvia et Dorante, déguisés en serviteurs, vivent un coup de foudre et découvrent l'amour.
Voici la pièce que j'ai lue pour cet session de 1000 ans de littérature française, chez Bookine, et je n'ai pas été déçue. Je l'ai vue hier, au Théâtre Mouffetard pour leur dernière et je l'ai relue ensuite pour le plaisir, en me régalant de la langue et de l'humour de Marivaux.
On trouve deux pièces en une, dans Le jeu de l'amour et du hasard : une grosse farce, pleine de quiproquos et d'humour (plus ou moins fin) dans la drague que se font Arlequin en Dorante et Lisette en Silvia ; et une comédie romantique dans la rencontre entre Dorante et Silvia. Arlequin et Lisette profite de la bonne chance qui leur est donnée de faire un bon mariage et de prendre la place des maîtres avec un plaisir évident, s'amusant à les singer et à les humilier - comme ces esclaves qui, à Rome, le jour de Carnaval, prenaient pour un jour la place des maîtres.
Pour Dorante et Silvia, l'affaire est plus corsée : pensant tomber amoureux d'un valet ou d'une chambrière, d'un être totalement en dessous de leur position sociale, ils s'angoissent, les tourments qui les occupent n'étant pas très éloignés de ceux qui éloignent Darcy de Lizzie dans Pride and Prejudice.
Mais à la fin, l'amour triomphe - et la paix sociale, et chacun revient à sa place, sous l'oeil amusé des spectateurs/metteurs en scène que sont le père et le frère de Silvia.
L'adaptation mise en scène par Xavier Lemaire est excellente. Elle pétille de joie et de gaieté : Isabelle Andréani en particulier nous fait une Silvia adorable, pleine de peps et d'énergie, qui envoie valdinguer tous son monde, et en particulier son Arlequin ; Gaëlle Billaut-Danno est une Silvia piquante et pleine d'esprit, si joliement manipulatrice qu'on lui pardonnerait presque la manière dont elle emmêle entre ses griffes le très charmant Lionel Pascal, un séduisant Dorante, plein de fougue et de violence refoulée.
Malheureusement - pour vous, c'était hier la dernière des représentations ; mais heureusement - pour vous et pour nous,un DVD est sorti de la pièce. Je vous le conseille de tout coeur !
Lu dans le cadre du challenge 1000 ans de littérature française