Le blog d'une curieuse, avide d'histoires, de récits, de livres, de film et d'imaginaire.
"Vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donné à son mari."
Jeune beauté arrivée dans une Cour débauchée et ragoteuse, Mlle de Chartres détonne : elle est non seulement d'une grâce à couper le souffle, mais elle est également vertueuse.
Alors que le roi affiche sa maîtresse, que la reine et les princesses s'octroient des favoris, que toutes et tous flirtent d'amourette en amourette, Mlle de Chartres a le coeur pur et indépendant. Sa mère, la stricte Mme de Chartre, l'a élevée dans le respect de loi, de la religion et de la morale, et, de manière plus importante, dans le respect de soi.
Bien vite, les amoureux lui tournent autour, sans espoir. Même celui qu'elle épouse, le Prince de Clèves, n'a jamais touché son coeur. Et le malheureux jeune homme, aussi pur et honnête qu'elle, se désespère de la froideur de sa femme.
Si bien que, quand arrive le Duc de Nemours, galant attitré de la Cour, la Princesse ne comprend pas d'abord ce qui lui arrive : elle est amoureuse. Craignant pour son honnêteté, pour sa vertu et pour le repos de son coeur, elle cherche à échapper à celui qui la trouble. Mais, amoureux aussi, et n'ayant pas l'habitude qu'on lui résiste, le Duc de Nemours la poursuit de ses assiduités.
"M. de Nemours avait raison, dit la reine dauphine en souriant, d'approuver que sa maîtresse allât au bal. Il y avait alors un si grand nombre de femmes à qui il donnait cette qualité que, si elles n'y fussent point venues, il y aurait eu peu de monde."
Quel roman ! J'étais un peu perplexe avant d'ouvrir les pages de ce "monument de la littérature française", mais j'ai bien fait de vaincre mes réticences. Ce livre est un chef-d'oeuvre, qu'il ne faut absolument pas lire trop jeune.
Si je l'avais lu à l'adolescence, je me serais révoltée contre ces sottises de religion et de morale qui empêche deux êtres qui s'aiment de se retrouver. L'ayant lu maintenant, j'ai espéré de toutes mes forces que la Princesse résiste au Duc, un être frivole et égoïste, qui ne la respecte pas et qui se lassera d'elle dès qu'il l'aura eu. Et le Prince est un être si honnête et gentil que je ne voulais pas le voir souffrir.
Cette histoire m'a infiniement plu. J'ai été séduite par le développement de la psychologie des personnages, de la Princesse qui se débat dans une toile d'araignée, qui se referme sur elle à chacun de ses gestes, aux personnages secondaires, aux prises avec leurs amours.
Et que c'est bien écrit. Certes, c'est précieux, mais quel jeu, quelle musicalité dans la langue !
"Comment pouviez-vous espérer que je conservasse de la raison ? Vous aviez donc oublié que je vous aimais éperdument et que j'étais votre mari ? L'un des deux peut porter aux extrémités : que ne peuvent-ils point les deux ensemble ? Eh ! que ne font-ils point aussi, continua-t-il; je n'ai que des sentiments violents et incertains dont je ne suis pas le maître. Je ne me trouve plus digne de vous; vous ne me paraissez plus digne de moi. Je vous adore, je vous hais; je vous offense, je vous demande pardon; je vous admire, j'ai honte de vous admirer. Enfin, il n'y a plus en moi ni de calme, ni de raison."
Lu en lecture commune avec Anne, Vilvirt, Delphine et Karine :). Bénédicte l'a également lu il y a quelques semaines.
Lu dans le cadre du challenge Dames de lettres
et du challenge La littérature fait son cinéma