Le blog d'une curieuse, avide d'histoires, de récits, de livres, de film et d'imaginaire.
"Lorsque Ralh Denham entra dans la pièce et vit Katherine, il eut conscience d'une variation de l'atmosphère telle que peut en éprouver un promeneur à la campagne, après le coucher du soleil, quand le froid et l'humidité cède soudain la place à une vague de chaleur qui sent bon le foin, comme si le soleil brillait encore, bien que la lune fût levée."
Voilà un roman dont je vais avoir bien des difficultés à parler. Ce livre m'a accompagnée pendant plusieurs semaines, y compris à travers des jours très sombres - ce qui est sans doute la seule et unique raison de mon léger doute à son sujet.
Il suit la vie de plusieurs jeunes personnes, au début du siècle, dans un Londres qui hésite entre tradition et modernité, nostalgie de l'Angleterre victorienne et désir d'avancer.
"Elle [...] s'absorba dans une rêverie où elle devint aussitôt une autre et l'univers entier se métamorphosa. Etant une habituée de cet univers, elle pouvait reconnaître son chemin sans hésitation. Si quelqu'un lui avait demandé de le décrire, elle aurait répondu que c'était là que résidait la réalité dont nous ne connaissons qu'une apparence ; elle se sentait incomparablement plus spontanée, plus forte, plus libre que dans le monde réel. Dans cet ailleurs, il était enfin donné de connaître ce qui nous échappe sans cesse ici-bas : le bonheur parfait dont nous ne goûtons que des miettes ; la beauté dont nous n'avons qu'une vision fugitive."
Katherine, jeune fille de très bonne famille et petite-fille d'un auteur illustre, incarne parfaitement cette dichotomie. Personne sage, élevée dans le culte de l'ancêtre poète, elle se relève la nuit pour faire des mathématiques. Fiancée à un poète de rang social respectable,William Rodney, elle compte parmi ses amis Mary Datchett, une suffragette, et Ralph Denham, un avocat pauvre.
Ce roman raconte quelques mois dans la vie de ces quatre êtres, leurs amitiés, leurs amours, leurs jalousies, le tout sur un mode très éthéré, très lent, très contemplatif. Il vaut surtout pour le plaisir de se pénétrer de la langue de Virginia Woolf de sa manière si fine de décrire les émotions qui secouent ces quatre personnes.
"Elle craignait par dessus tout que Mary, la jeune femme qui symbolisait pour elle tant d'idées romanesques et enthousiastes, celle qui avait une sorte d'existence visionnaire et qui avançait un lys à la main, n'annonçât d'un ton désinvolte qu'elle allait se marier."
Et pourtant, ... je garde une réserve. Ce livre si beau m'a fait passer à deux doigts de la panne de lecture. Un manque de rythme, peut-être ? Des personnages qui n'évoluent pas assez, et qui se dévoilent trop, dès les premières pages ? Un suspens qui n'en est pas un ?
Ou peut-être juste un roman d'une qualité immense, mais qui n'était pas celui que je devais lire à ce moment là ...
"Il choisit lui-même le livre avant que sa fille eût pu protester ou s'échapper, et elle se trouva métamorphosée par le truchement de Walter Scott en être humain civilisé."
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