
Ryoko est chez elle en train de repasser une chemise de son compagnon, Hiroyuki, quand elle reçoit un appel : sa tâche est inutile, on vient de retrouver le jeune homme mort, étendu sur le sol de laboratoire de parfumerie. Hiroyuki, parfumeur, s’est suicidé en absorbant le contenu d’une petite bouteille d’éthanol anhydre.
Elle ne comprend pas la raison de ce suicide : Hiroyuki était quelqu’un d’équilibré et rien ne laissait présager un acte pareil. D’autant plus que la veille, lors d’une soirée merveilleuse, il lui avait offert le parfum qu’il a composé pour elle, Source de mémoire. Il ne pouvait pas, n’avait pas le droit de se donner la mort après une soirée pareille.
En rencontrant Akira, frère d’Hiroyuki, à la morgue, elle se rend compte que son « Rooki » lui est inconnu : il lui avait dit que toute sa famille était décédée, or il continue d’appeler son frère Akira tous les six mois. Et petit à petit, les talents étonnants du disparu lui sont révélés.
Elle commence à mener une enquête sur son passé en s’aidant de quelques phrases retrouvées sur une disquette d’Hiroyuki, « Gouttes d’eau qui tombent d’une fissure entre les rochers. Air froid et humide d’une grotte. Réserve de livres hermétiquement fermée. Poussière dans la lumière. Frasil sur un lac à l’aube. Mèche de cheveux d’un défunt formant une légère boucle. Vieux velours passé qui a gardé sa douceur ». Elle veut comprendre pour quelles raisons ce jeune homme sans problème a mis fin à ses jours. Elle veut surtout se rapprocher de l’homme qu’elle aime encore et qui lui manque, faire son deuil, vivre en sa présence pendant quelques mois.
J’ai toujours l’impression de passer à côté du sens profond des romans japonais. Sans doute à cause de la différence de culture, il me semble que beaucoup de choses importantes restent lettre morte pour moi. Parfum de glace n’a pas fait exception : même si j’ai vraiment aimé ce livre, pour beaucoup de raisons, je crois que je suis un passée à côté de certains aspects, et ça m’agace un peu. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de vraiment fort que je n’ai pas compris…
Malgré tout, on n’est pas forcé de comprendre absolument tout d’un roman pour l’apprécier et j’ai vraiment aimé Parfum de glace.
J’ai tout particulièrement été sensible à la description de la disparition : dès l’annonce du décès avec ce détail de la chemise qu’elle repasse et qui ne sera jamais plus froissée et jusqu’au détail de l’appartement où, petit à petit, le passage d’Hiroyuki est effacé par la vie qui reprend. Plus que de la douleur de la perte de son compagnon, elle parle de son absence, définitive, insupportable. Et cela m’a beaucoup émue.
Mais ce qui me rend ce livre si précieux, c’est le rapport aux odeurs et aux souvenirs. Comme le titre l’indique, il est tout entier dédié à ce sens, qui sert de « madeleines de Proust ». Les souvenirs, le passé reparaît grâce à des senteurs qui flottent. C’est un point de vue vraiment original, d’autant que la description des odeurs est impossible en littérature. Autant il existe des adjectifs pour décrire ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on goûte ou ce qu’on touche, autant ce qu’on sent … Il faut utiliser des comparaisons, rappeler des souvenirs personnels, et c’est ce que l’auteur fait avec beaucoup de talent et de plaisir. Lorsque je lis : « Pour être exact, ce n’était pas assez net pour que l’on puisse parler d’odeur. Il s’agissait d’une sensation beaucoup plus ténue qui traversait, l’espace d’un instant, le fond de ma poitrine. C’était tiède, paisible, et cela ressemblait un tout petit peu à une odeur d’arbre. C’était la même sensation que j’avais ressentie lorsqu’il me regardait soudain, alors que nous marchions tous les deux l’un à côté de l’autre, qu’il remettait en place mes cheveux ébouriffés par le vent ou posait son oreille sur ma poitrine nue. », je tressaille de bonheur littéraire.