Le blog d'une curieuse, avide d'histoires, de récits, de livres, de film et d'imaginaire.
Attention, chef d’œuvre. Ce livre est le journal intime de Defred. Defred n’est pas son nom, le vrai, celui que sa mère, une jolie féministe en salopette bleue, lui a donné à sa naissance. Defred n’a plus de vrai nom depuis que la république de Gilead a été instaurée. C’est une servante écarlate, et elle change de nom à chaque fois qu’elle change de maison, et de propriétaire. Celui-ci s’appelle Frédéric, et étant sienne, elle s’appelle donc Defred, rien de plus simple.
Avant, elle avait un nom à elle, un mari à elle, Luke, une petite fille, un compte en banque, des amies, un métier, une vie. Avant. Quand la République de Gilead est arrivée, en réponse à tous ces viols, toute cette indécence, en réponse à la montée de l’islamisme, du féminisme et de la stérilité, Luke et elle ont cherché à fuir vers le Canada. Ils se sont fait attraper avant la frontière, et depuis, elle n’a plus de nouvelles, ni de Luke ni de sa fille.
Le commandant qui la possède est puissant : il a droit à quatre épouses. Deux sont des Marthas, habillées en vert, qui veillent aux tâches domestiques. Une est l’Epouse, toute de bleu vêtue, qui promène son ennui dans le jardin et le salon. La dernière est Defred, habillée de rouge, à l’exception d’une cornette blanche qui empêche à quiconque de croiser son regard, pour la reproduction.
Ce livre a été un vrai coup de poing. Pas pour la manière un peu vulgaire dont le présente la 4ème de couverture, qui compare Defred à une « matrice » : les relations sexuelles sont très peu évoquées et d’une manière volontairement très plate « Fermez les yeux et pensez à l’Angleterre ».
Non, c’est le reste qui m’a le plus frappée : qu’est ce que ça fait de se vivre dans une dictature religieuse où tout, des vêtements que l’on porte aux mots que l’on s’échange doit suivre une règle ? Comment supporter de devenir un objet, un pion que d’autres bougent et déplacent ? De savoir que, s’il nous reste encore des souvenirs d’un temps où les femmes étaient libres et indépendantes, sa fille n’en aura que très peu, et les générations suivantes, pas du tout ? De se dire qu’on a cédé, qu’on n’a pas résisté, qu’on a accepté ce choix ?
C’est un récit très oppressant, très lourd, très lent. J’ai cherché à m’en évader de temps en temps en me disant que cela n’est qu’une fiction, que cela n’est pas vrai, que cela n’existe pas. Et je me suis souvenue avec un frisson glacial de pays où les femmes vivent derrière une lourde tente noire, et d’un régime qui avait ordonné la mort de tous les oiseaux domestique « car c’est un plaisir que de les entendre chanter, et il ne faut pas avoir de plaisir ». Rien que ce fait rend selon moi la lecture de ce livre indispensable.
Quelques autres avis la Tellectuelle, Biblioblog, J'ai lu, Sylvie, Chiffonnette.