Le blog d'une curieuse, avide d'histoires, de récits, de livres, de film et d'imaginaire.
"Miss Mackenzie, en se couchant, se dit qu'elle pourrait avoir un mari, si l'envie lui prenait; mais lequel fallait-il choisir ? Les manière de Mr Rubb plaidait contre lui, mais elle avait entraperçu l'oeil de Mr Maguire lorsqu'il s'était retourné sur le perron, et elle envisageait avec effroi toute alliance avec cet homme."
Soit une Angleterre dickensienne. Soit, au sein de cette Angleterre, une ville, Londres, et au sein de cette ville, un appartement, et au sein de cet appartement un homme malade et sa soeur. Cet homme meurt, laissant à sa soeur dévouée, une vieille fille de 35 ans (!) un héritage qui la met à l'abris du besoin et même plus : la voilà riche.
Que faire lorsque, alors que sa vie s'apprêtais à s'étioler, lorsqu'il reste un peu de jeunesse après avoir vécu toute sa vie dans la chambre d'un malade, une porte telle que celle-là vous est ouverte ? Vivre, mais comment ?
Et surtout, que faire de ces parasites, une belle-soeur envahissante, des amis trop pressants, se mettent à se presser autour de vous, ou plutôt autour de votre fortune ?
Et qui choisir comme mari ? Le sexy collègue de son frère, un peu truant, et très peu gentleman ? Le vicaire noble et sage, mais dont l'oeil louche affreusement ? Le cousin veuf, pauvre et noble, doté d'une armada d'enfants et d'une mère insupportable ?
C'est à toutes ces questions que Miss Mackenzie cherche à répondre, maintenant que son frère lui a légué une petite fortune ... Et elle, ou plutôt Trollope, le fait avec beaucoup d'esprit et une ironie cinglante et mordante qui n'est pas sans rappeler la manière dont Jane Austen décrit ses personnages secondaires. Outre le personnage de Margaret Mackenzie, les autres personnages sont plus insupportables les uns que les autres, attachants et odieux. La palme revient sans doute à la belle-soeur acariâtre et à sa fille Mary-Ann, toutes les deux plus imbues de leur personnes l'une que l'autre. A moins que les saints Mr et Mrs Stumfold, créateurs orgueilleux que la nouvelle église stumfoldienne, ne les dépassent dans l'égoïsme petit-bourgeois ...
Quant à Miss Mackenzie, c'est un ange... Pleine de bonté, de douceur, de gentillesse, mais sans être cruche ni oie blanche, elle est l'amie qu'on voudrait avoir à ses côtés. Passé l'émerveillement qu'elle ressent à être "dans le monde", elle apprend à résister aux pressions et aux abus, dotée d'une solide bon sens et d'une intelligence remarquable.
Outre cette galerie (épique) de personnages, qui constitue la principale raison pour laquelle je conseille de lire ce roman, c'est aussi une traversée de l'Angleterre du XIXème, depuis ses cercles les plus pauvres aux plus fashionables, depuis la campagne aux quartiers chics de Londres, en passant par les villes d'eau et la City. Mine de rien, c'est une découverte sociologique que ce roman, où les aristocrates perdent leur fortune au profit des entrepreneurs et où, avec beaucoup d'esprit et d'humour, la position de la femme, éternelle mineure qui ne peut vivre que par le mariage, et bien souvent reine en sa demeure une fois mariée, est joliment discutée.
Un must-have pour les amoureux de l'Angleterre victorienne !
Lu dans le cadre du challenge God save the livres !