" 'And if my Master has given me ten talents, my duty is to trade with them, and make them ten talents more. Not in the dust of household drawers shall the coin be interred. I will not deposit it in a broken-spouted teapot, and shut it up in a china-closet among tea-things. I will not commit it to your work-table to be smothered in piles of woollen lose. I will not prison it in the linen-press to find shrouds among the sheets : and least of all, mother' - (she got up from the floor) - 'least of all will I hide it in a tureen of cold potatoes, to be ranged with bread, butter, pastry, and ham on the shelves of the larder.' "
Il y a un peu de Jane Austen dans Shirley. Deux jeunes filles, Caroline et Shirley, découvrent l'amour et se marient dans un village anglais. Elles sont aussi différentes que la Lune et le Soleil, et pourtant, une amitié profonde et altruiste les lie. La Lune, c'est Caroline Helstone, orpheline de père, abandonnée par sa mère, élevée par son oncle, le révérend Helstone. C'est une jeune fille rêveuse et douce, à la santé fragile, qui prend des cours de française auprès sa cousine belge, Hortense Moore. Bien entendu, Caroline tombe amoureuse du frère d'Hortense, Robert Moore, le propriétaire de la manufacture de tissus, un homme viril et volontaire, un entrepreneur sans pitié, mais qui la traite toujours avec tendresse et affection.
Le Soleil, c'est Shirley Keeldar. Un prénom d'homme pour une fille élevée par son père comme un garçon. Héritière des biens familiaux, dynamique, volontaire, sûre d'elle, le "capitaine Shirley" dénotte dans l'Angleterre pré-victorienne.
Saison après saison, Charlotte Brontë fait vivre devant nous ces deux jeunes filles très seules, et très attachantes.
Il y a beaucoup d'Emile Zola dans Shirley. Charlotte Brontë s'émeut des conditions de travail des ouvriers de Robert Moore, s'inquiète du chômage créé par l'apparition des machines-outils dans la manufacture, craint la famine, dénonce les salaires trop faible. Rage après la guerre, la guerre qui détruit le commerce, détruit l'économie, guerre stupide qui met un pays à terre. Elle y critique le clergé, vantard et ivrogne, les riches maîtres de maison, qui insultent et méprisent les pauvres précepteurs.
Il y a surtout beaucoup de féminisme dans Shirley. Charlotte Brontë dénonce à plusieurs reprise le gâchis qui est fait des femmes, comment l'éducation stupide qui leur est donnée les rend inutiles. Elle y regrette le mépris pour les vieilles filles, qui, parce qu'elles ont été incapables de trouver un mari, sont considérées comme inexistantes et mortes au monde. Elle y déclare surtout que l'intelligence, la force, le courage des femmes n'ont rien à envier à ceux des hommes, et que si on voulait se donner la peine d'émanciper les femmes, l'Angleterre ne s'en porterait que mieux.
" Having but an indifferent opinion of women, he always suspected them ; he thought they need constant watching."
C'est un texte que j'ai énormément aimé, même si je garde quelques réserves. Je me suis énormément attachée aux personnages, ai versé quelques larmes quand Caroline tombe malade, me suis réjouis de l'heureux dénouement. J'ai beaucoup aimé l'intelligence et la modernité des thèses de Charlotte Brontë et le tableau cruel qu'elle fait de la société anglaise. Jane Austen se moque, gaiement et avec légèreté ; Charlotte Brontë dénonce, vigoureusement, et appuie sur les défauts les plus graves. J'aime énormément ce que ce comportement dévoile du caractère de la seconde.
Mais ... il y a quelques maladresses. L'histoire est globalement assez mal ficelée, le happy-end est un peu tordu par le cheveux : on sent que l'auteur, ne sachant pas comment finir sans rendre malheureuse une des jeunes filles, décide de sortir un personnage providentiel de sa boîte. Les passages de philosophie politique viennent parfois comme un cheveu sur la soupe ...
Malgré tout cela, la lecture de Shirley est un moment très agréable et je pense que Miss Helstone et Miss Keeldar resteront longtemps dans mon imagination.
Alors ...
C'était un bouquin de ma PAL depuis vraiment longtemps, donc, un de moins ! (je ne compte même plus, ça me fait trop peur ...)

En plus, c'est un classique anglais

Et je l'ai lu en VO

Pfiouu ... Trois challenges d'un coup !