Attention livre méchant !
Tadaaaaam ! Roulement de tambour, musique stridente, clair obscur avec deux yeux rouges vous fixant du fond des ténèbres … 22 vla l’vampire !
Un jeune avocat est convoqué par un mystérieux client en Transylvanie qui s’avère finalement être le terrible, l’affreux, le vachement pas gentil du tout Comte Dracula qui veut s’acheter une baraque à Londres et recherche la perle (un truc gothique, croulant, dans un endroit macabre, où que même les araignées elles ont peur d’y tisser leur toile – de toute façon elles pourraient pas elles en sont constipées du siphon à fil). Et là justement notre jeune avocat a trouvé la perle rare ! Une vieille masure que même la famille Adams ils en auraient pas voulu, avec une vieille chapelle en ruine, coincée entre un asile de fou et on sait pas trop quoi mais comme c’est Dracula on a peur quand même.
Je vous passe les détails, le jeune type se rend compte que le Comte est un peu bizarre, (dents et ongles pointus, poils sur la paume des mains, mange pas, noeil rouge, fait des trucs bizarre de temps en temps et tout et tout. Bon en même temps on l’avait prévenu, tout le monde dans les Carpates sait qu’il fait une sacré bourde et lui explique que ouais mais faut pas y aller mais lui il est droit, pur, fort et dedicated to work, client comes first etc.
Il réussit à s’échapper dès que le Comte est parti pour Londres. Il est à noter que la première partie est de très très loin la meilleure.
Là, on bascule chez la fiancée de l’avocat, Madam Mina, qu’est la femme parfaite, ménagère intelligente mais pas du tout indépendante, qu’elle apprend même par cœur les horaires de chemin de fer pour que si jamais son mari en a besoin un jour qu’elle peut même lui dire sans aller vérifier dans son bottin ! C’est pas beau ça ? ! C’est pas le rêve ? Bah si !
Alors en plus Madam Mina elle a une copine, Lucy Westenra, qu’est une belle vierge super pure, super blonde, trop mignonne et gentille et tout que c’en est à vomir (burp). Elle est tellement chouette qu’il y a 3 types qui veulent se marier avec elle ! Vous vous rendez compte ?! Elle en éconduit deux et garde le troisième qui a réussi à lui ravir son petit cœur tout mignon etc.
Bon le truc un peu plus fun c’est que les 3 soupirants sont amis d’enfance :
- le docteur John Seward qui bosse dans un asile de fous et je vous le donne en mille … exactement celui qui jouxte la propriété de notre cher vieux Comte ! DINGUE !
- un texan super viril et flegmatique, Quincey P. Morris ; et enfin
- l’heureux élu, le formidablissimement perfectissime Arthur Holmwood himself ! Lord de son état. Applaudissements. Merci public.
Il est donc temps de continuer ce résumé. Bon je vous passe les détails, Dracula fait une entrée cataclysmique dans le royaume de her gracious majesty pile poile exactement dans la station balnéaire de M’dame Mina dont la copine commence à somnambuler ferme et devenir vachement pale avec ses deux p’tites marques de dents sur le coup.
Bon il sont quand même cons les personnages, y en a pas un qu’est fichu de repérer le vampire … A croire qu’ils connaissent pas Dracula les nazes ! Bref, le docteur Seward commence à s’inquiéter et appelle à la rescousse le savant, médecin, philosophe, alchimiste, je sais pas trop quoi mais il le fait quand même –iste : Van Helsing ! Tadam !
Débarque donc la masse de muscle, la bête, le chasseur de vampire ! Bon en fait c’est plutôt un petit gros la cinquantaine, moustachu avec un accent batave.
Bon, Van Helsing lui il percute tout de suite (il l’a lu le Dracula lui, l’est cultivé quand même) mais il veut pas trop le dire parce qu’il a peur qu’on le croit pas et tout. Là on commence la Vampire War (à coup de gousses d’ail, de pieux en bois dans le cœur, d’eau bénite, de crucifix et de winchester pour les loups).
Bon, il faut le dire : c’est NULLISSIME ! et c’est pour ça que c’est si BON !
Ce bouquin est énorme. C’est une catastrophe intersidérale : c’est verbeux, manichéen, les gentils sont super gentils, vertueux, ils se reconnaissent immédiatement à base de Ach Madam Mina j’ai lu vos lettre, je connais votre cœur il est bon et pur, voulez vous être mon amie pour la vie ? (je déconne pas c’est dans le livre). Les méchants sont vachement méchants, sans âme et tout (bah ouais c’est des vampires quand mêmes, faut suivre un peu). Les hommes sont zuper virils mais en même temps se jettent théâtralement à terre pour avouer leur admiration éperdue à Madame Mina qu’est quand même vachement maline et tout, la pureté, l’intelligence personnifiée avec des vrais morceaux de bravoure dedans, ils font des grandes professions de foi, se frappent le cœur de la main droite et jurent de sauver l’Amérique de l’envahisseur ! ah non désolé, je viens de me laisser emporter.
En fait ce qui est drôle c’est qu’on se croirait dans un film américain genre série B. Vous vous rappelez tous ces films de divertissement scientifico fantastiques à la Tim Burton (Sleepy Hollow, les frères Grim, les ligue des gentlemen extraordinaires, Wild Wild West etc.) avec une sorte de savant fou qui a des sortes de vilaines machines de partout avec des engrenages dans tous les coins ? Bah c’est tout tiré de Dracula. Je vous parie que les scénaristes d’Hollywood étudient Dracula en première année parce que c’est fondamentalement cinématographique et qu’on y retrouve tous les ingrédients du blockbuster divertissement de masse, l’humour en moins (enfin on rit beaucoup mais je ne suis pas sur que ce soit intentionnel de la part de l’auteur …). Il faut avouer qu’il y a quelques très beaux moments : mais pourquoi tout le monde me fait le signe du mauvais œil quand je vais chez Dracula ? Note : faut que je demande au Comte des éclaircissements sur cette superstition populaire. Et il le fait ce con ! Dites, Comte, pourquoi tout le monde m’a dit de pas aller chez vous ? J’en ris encore …
Bon et on apprend aussi plein de trucs rigolos : les vampires peuvent parfaitement se balader de jour mais ils ne peuvent alors pas changer de forme (transformation chauve-souris, loup, brouillard etc.), ne dorment pas nécessairement dans un cercueil mais surtout dans de la terre consacrée (en gros Dracula ne peut dormir que dans la terre de sa propre tombe qu’il fait venir dans des caisses depuis Transylvania Castle) etc. On a aussi droit aux superbes théories existentielles de Stoker : vampires are like criminals they are incomplete and their baby brain is limited to its own experience. Bah tiens…
C’est aussi franchement drôle de voir ce que les différents réalisateurs ont pu y piocher et monter en épingle lors de leurs différents films (la scène avec les trois vampiresses dans le Dracula de Copolla à peine ébauchée dans le livre et sublime dans le film, les ombres allongées dans le Nosferatu de Murnau).
Enfin, d’un point de vue littéraire, le roman est bien construit et mis en scène, il s’agit d’un mélange assez harmonieux entre journal intime, lettres etc. chacun émanant de chaque personnage, ce qui permet de diversifier les points de vue. C’est aussi amusant de voir cette intrigue fantastique prendre corps dans un monde très cartésien. Le style est catastrophique mais ça participe au plaisir de la lecture.
Enfin, ne vous inquiétez pas, vous n’aurez pas du tout peur (c’est largement plus proche du bal des vampires de Polanski que d’un film d’épouvante), mais qu’est-ce que vous allez rigoler !
Un navet rafraichissant !
NB : je précise que je n’aime pas les films ou la littérature d’horreur, les romans gotiques ou même le mythe du vampire.