"My course of life for forty year had been a horrid complication of wickedness, whoredom, adultery, incest, lying, theft; and, in a word, everything but murder and treason had been my practice from the age of eighteen."
Ouf ! J'ai fini ce roman qui, sans être inintéressant, m'a semblé difficile. Etait-ce l'anglais ? Etait-ce le style de Defoe, assez abrupt ? J'ai eu beaucoup de mal à aller au bout, alors même que les aventures de Moll, ou plutôt de Betty parce que c'est son vrai nom, m'intéressaient...
" 'And, if a young woman have beauty, birth, breeding, wit, sense, manners, modesty, and all these to an extreme, yet if she have not money, she is nobody, she had as good want them all, for nothing but money now recommends a woman ; the men play the game all into their own hands.' "
C'est bien le problème de notre Miss Betty : née dans le ruisseau (ou plus précisément dans la prison de Newgate, d'une mère condamnée à mort, puis à l'exil), elle a reçu par hasard une excellente éducation. En grandissant, elle refuse de devenir servante comme on le lui suggère, mais veut être une "gentlewoman". Elle n'a qu'une seule solution : utiliser son joli minois et ses belles manières pour trouver un mari riche. Ce qui est plus facile à dire qu'à faire, d'autant que la position des veuves de maris riches ne semble pas très confortable : à la mort de son premier mari, elle est foutue dehors sans pension ni rien, et sans ses enfants, par sa belle famille.
Elle en aura cinq, des maris : le premier meurt trop tôt ; le second fait banqueroute - et s'enfuit en France en la laissant libre ; le troisième se révèle être son frère ; le quatrième l'a épousé pour sa fortune en lui faisant croire qu'il est un homme riche (et vice versa, ce qui les séparera d'un commun accord pour aller chercher ailleurs un meilleur parti) ; et le cinquième meurt au bout de cinq ans, en la laissant sans le sous.
Que faire ? Âgée d'une cinquantaine d'années, elle a perdu une bonne partie de ses attraits... Elle devient donc voleuse à la tire, discipline dans laquelle elle excelle sous le nom de Moll Flanders. Après un certain nombre d'aventures, et avoir amassé une bonne petite fortune, elle se fait prendre. Conduite à la prison de Newgate, elle est condamnée à mort, ce qui lui fait voir d'un seul coup l'indignité de sa conduite. Pleine de repentir, elle se confie à un prêtre, qui permettra que sa condamnation soit commuée en exil dans les colonies. Elle retrouve à Newgate son quatrième mari, enrichi lui aussi, et les deux voguent de concert jusqu'en Caroline, où ils vivent heureux, pénitents - et riches.
C'est un roman dense, très dense : à la centième page, nous en étions déjà à son troisième mari. Les péripéties s'enchainent à toute vitesse, et même un peu trop vite à mon goût. Defoe ne prend pas le temps de décrire, les lieux, les gens. Et cela a gêné la lectrice de romans classiques que je suis, en m'empêchant de rentrer totalement dans l'histoire.
Malgré tout, le parcours de Betty est passionnant : elle vogue dans toutes les strates de la société, des plus misérables aux plus hautes, et rencontre partout une perversité qui l'atteint et finit par ternir une petite jeune fille d'abord vertueuse. Daniel Defoe profite de ce voyage à travers l'Angleterre, et même au delà pour dénoncer la situation de la femme. Faible, elle n'a droit à aucune protection ; les hommes peuvent réussir sans mariage ; les femmes, non, ce qui crée une inégalité fatale, ainsi que le dit Betty :
"But, if they will have me tell the truth, the disadvantage of the women is a terrible scandal upon the men, and it lies here, and here only; namely that the age is so wicked, and the sex so debauched, that, in short, the number of such men as an honnest woman ought to meddle with is small indeed, and it is but here and there that a man is to be found who is fit for a woman to venture upon."
Les femmes sont jetées dehors, oubliées, violées et ne peuvent s'en sortir seules qu'en sombrant dans le mensonge ou la délinquance.
"And if at last he should take the advantage the law would give him, he might put me away with disdain and me to sue for the little portion that I had, and perhaps waste it all in the suit, and then be a beggar; the children would be ruined too, having no legal claim to any of his effects; and thus I should see him, perhaps in the arms of another wife in a few months, and be myself the most miserable creature alive."
C'est globalement toute la société anglaise, qui est violente ; la loi du plus fort est la seule qui pèse ; la justice ne sert qu'à écraser les plus pauvres au profit des plus riches ; on est condamné à mort pour un vol à la tire ; on meurt de faim seul dans les rues ; les enfants sont abandonnés dès le plus jeune âge. Cela m'avait déjà frappée dans Evelina, mais elle est encore plus crue dans Moll Flanders.
Lu dans le cadre du défi XVIIIème de Canthilde
Lu en VO !