"Et dans les parages de ce lieu, sur les versants marins et loin à l'intérieur des terres, poussaient les arbres odorants aux vertes feuilles persistantes, que les Eldars avaient apportés de l'Ouest."
J'ai poursuivi mon voyage en Terre du Milieu avec la suite des Contes et légendes inachevées, celles se passant au Second âge.
La première (et plus importante partie) se déroule à Numenor, dans ce peuple d'humains qui cèdera à l'influence de Sauron. Après une longue et poétique description de l'Île, de ses cinq pointes aux climats et aux écosystèmes différents, Tolkien entre dans le vif du sujet, l'histoire d'Aladarion.
C'est un beau jeune homme : "un homme de haute stature, fort et vigoureux d'esprit comme de corps, blond de cheveux comme sa mère, prompt au rire et de coeur généreux, mais plus fier encore que son père, et jaloux de sa liberté."
Hélas, ce jeune homme a une passion et une malédiction : la Mer. Tout jeune, son grand-père maternel lui a appris à naviguer, et la mer est devenue comme une amante, qu'il ne peut plus quitter... Difficile amour pour un jeune homme promis à la charge royale.
Ce récit raconte avec beaucoup de tendresse et d'intelligence les difficultés qui naissent de cette passion. Car Aldarion est coupable et dans sa folie oublie tout : famille, responsabilité, et une épouse qui ne lui pardonnera pas. Mais Aldarion est dans le juste et le bon, car en s'éloignant de son île, en se mêlant à la Terre du Milieu, il va construire des comptoirs, entamer une alliance avec les elfes, et se préparer à combattre Sauron.
C'est un conte que j'ai beaucoup aimé, loin de tout manichéisme... Et les conséquences de la passion d'Aldarion, et de la colère de sa femme, vont être très lourdes, commençant à tâcher la lignée des numénoréens...
"Trop tard, elle se rappela les paroles de sa mère, il y a bien longtemps, et elle vit en Aldarion quelque chose d'imposant, qui ne pouvait se domestiquer, animé d'une volonté implacable plus dangereuse encore lorsqu'elle agissait à froid."
Puis Tolkien poursuit avec la description de la lignée des rois de Numenor, et des changements de législation (et d'espérance de vie) qui se produisent au fur et à mesure du temps. Ce qui pourrait sembler très rébarbatif (et passablement ennuyeux) apporte au contraire une profondeur temporelle, une solidité, qui fait la force du monde de Tolkien, et manque souvent aux autres séries de fantasy.
Enfin, on arrive à ce qui aurait pu être ma partie préférée : l'histoire de Galadriel et de Celeborn. Malheureusement, cette partie est à peine ébauchée : on comprend bien que ce sont ici des Contes et Légendes inachevées ! Malgré tout, on devine dans les bouts de pages, et au fur à mesure des remaniements, une Galadriel bien plus puissante que celle décrite dans Le Seigneur des anneaux, et si sombre qu'on tremble a posteriori quand Frodo lui propose l'anneau... "A la place du Seigneur Ténébreux, vous établirez une Reine. Et je ne serai pas ténébreuse, mais belle et terrible comme le Matin et la Nuit. Belle comme la Mer et le Soleil et la Neige sur la Montagne ! Terrible comme la Tempête et l'Eclair ! Plus forte que les fondements de la terre. Tous m'aimeront et désespéreront !".
Lu dans le cadre du Middle Earth Challenge !