" 'Rose, elle a vécu,' I said and laughed. Is that poem true ? Have all beautifull things sad destinies ?"
Ce qui suit contient des spoilers sur Jane Eyre. Si vous ne voulez pas connaître le grand secret de Thornfield Hall, ne lisez pas la suite (et lisez donc immédiatement la merveilleuse et tourmentée histoire d'amour entre Jane et Rochester à la place...)
Qui est Bertha Mason, l'épouse folle de Rochester dans Jane Eyre ? Pourquoi est-elle enfermée dans Thornfield Hall ? Comment Rochester en est-il venu à l'épouser ?
C'est ce que raconte ce roman très court et assez étrange. On y suit une jeune fille, Antoinette Cosway, dans l'atmosphère lourde et langoureuse des Caraïbes. Petite fille, Antoinette vit avec sa mère et son frère (un faible d'esprit) dans un vaste domaine isolé, entouré d'une nature luxuriante. C'est le moment du bonheur, à jamais perdu quand sa mère se remarie avec Mason, quand leur domaine brûle, que son petit frère meurt et que sa mère sombre dans la folie.
Plus tard, Antoinette, indolente, nonchalante, caribéenne, épouse un anglais qu'elle ne connait qu'à peine, Rochester.
La parole passe ensuite à cet homme, froid, raisonnable et déjà blessé. On voit par son regard l'exotisme du lieu et des gens, le charme que cette île a sur lui, la beauté d'Antoinette, et en même temps l'angoisse de ne pas tout comprendre et de ne pas être dans son milieu habituel. Perdu, sans repère, il se laisse convaincre par les mauvaises langues qui racontent l'histoire de la famille Cosway - la mère folle, le père esclavagiste. Le ver est dans le fruit. Il devient brutal avec Antoinette ; elle tente de le récupérer avec des moyens locaux, ce qui le dégoûte encore plus.
Puis l'Angleterre, vue par les yeux fous d'Antoinette. Est-elle folle ? Est-elle désespérée ? Est-elle victime d'une époque cruelle ? Rien n'est jamais tranché, si ce n'est le drame intrinsèque de ces deux personnes, Antoinette et Rochester, qui aurait pu se trouver et s'aimer, et qui se sont ratés.
"The house was burning, the yellow-red sky was like sunset, and I knew I would never see Coulibri again. Nothing would be left, the golden ferns and the silver ferns, the orchids, the ginger lilies and the roses, the rocking-chairs and the blue sofa, the jasmine and the honeysuckle, and the picture of the Miller's daughter."
C'est un roman étrange, que j'ai beaucoup aimé, mais sans arriver à en dégager une logique. En vrac, j'ai aimé Antoinette. J'ai aimé Rochester. Je les ai aimés tous les deux, malgré leurs doutes, leurs erreurs et leur égoïsmes qui les poussent à ne pas se comprendre. J'ai aimé les descriptions de la nature, belle et foisonnante, luxuriante, comme une métaphore d'Antoinette. J'ai aimé les références à Jane Eyre à la fin. J'ai aimé Thornfield en feu. J'ai aimé la folie qui guette et qui gagne Antoinette et Rochester.
J'ai moins aimé la construction un peu destructurée du roman, qui gêne à la compréhension, et enveloppe le roman dans une brume un peu fumeuse. Mais c'est un détail par rapport à l'enchantement exotique que fût cette lecture.
Lu dans le cadre de la lecture commune Jane Eyre dans tous ses états