"Dans le domaine de la recherche scientifique, au contraire, il y a toujours matière à nouvelles découvertes, à de nouveaux émerveillements."
Victor Frankenstein est un jeune homme plein d'avenir. Né dans une famille aimanté, hélas endeuillée par le décès précoce d'une mère tant aimée, il est promis à son amie d'enfance, sa sœur de cœur, la douce Elizabeth. Alors qu'il atteint l'âge adulte, son père tant aimé l'envoie loin des siens, son frère chéri, son ami Clerval, son Elizabeth adorée, pour accéder à l'un de ses vœux les plus chers : apprendre la philosophie naturelle à Ingoldstad.
Il va apprendre, pour son malheur, et sa soif de savoir, l'éloignement des liens familiaux, vont le conduire au pire : se croire Dieu lui-même et créer la vie sous la forme d'un être pseudo-humain, fait d'organes pillés dans les cimetières et ramenés à la vie par l'électricité. Mais la créature est un monstre, abominable, et Frankenstein refuse d'en assumer la conséquence.
Tombant malade, alors que la créature s'enfuit dans la nuit, il reste des mois alité, incapable de partager avec son ami Clerval l'infâme acte qu'il a commis. Alors qu'il se remet doucement, une terrible nouvelle surgit : son jeune frère, l'innocent William, a été étranglé, et c'est une amie de la famille, une jeune fille naïve, incapable de faire du mal est accusée...
"La vision de ce que la Nature avait de grandiose avait d'ailleurs toujours eu pour effet d'ennoblir mes pensées et de m'amener à oublier les tracas passagers de l'existence."
J'ai enfin lu ce classique de la littérature fantastique … qui m'est plus apparu comme un classique de la littérature romantique. A part la naissance de la créature, mais que le narrateur assure pouvoir expliquer scientifiquement, même s'il s'y refuse, les thèmes que traitent le roman sont ancrés dans leur époque. Deux thèmes en particuliers, constituent la trame intime du roman : quelle est la responsabilité ? L'homme est-il bon par nature, ou est-il corrompu par la société des autres hommes et leur regard ?
La créature l'assure : elle était bonne à sa naissance, bonne et vertueuse. C'est le rejet de Frankenstein d'abord, son incapacité à assumer son acte, c'est le dégoût des De Lacey, ensuite, et celui de tous les autres hommes qui l'ont conduit à agir ainsi, à se venger sur d'autres êtres innocents du mal causé par des êtres moins innocents, corrompus par le savoir et la connaissance.
Car là est la faute première de Frankenstein, le premier péché : la soif de connaissance, chercher à comprendre comment marche le vivant, ce qui cause la vie. Et, second péché, Frankenstein est trop intelligent : il perce des mystères qui ne devraient être connus que de Dieu, ce qui le conduit au péché ultime : se prendre pour Dieu en créant un être vivant. Mais un être vivant à son image, monstrueux.
Parce qu'il sait, Frankenstein est chassé du Paradis, et apporte la peine et la misère sur ceux qui y restent : William, Justine, Clerval, Elizabeth, son père...
Bien sûr, ce thème ne peut que parler à la scientifique que je suis. Je ne crois pas qu'il y ait un mal quelconque à chercher à dévoiler la nature, à comprendre la vie, à savoir, toujours plus. S'il y a une responsabilité du scientifique sur la manière dont le savoir qu'il dévoile est utilisé, il y a aussi un devoir, qui est de ne pas s'arrêter dans la quête du savoir.
Ce qu'avait rêvé Mary Shelley est maintenant en train de devenir vrai. Pas à l'échelle d'un être humain, bien sûr, à celle d'une toute petite bactérie, une des plus simples, une bactérie que Craig Venter a recrée à partir d'un cytoplasme vide, mort, et d'une molécule biochimique, un génome complet synthétisé au laboratoire. Dans certains laboratoires, des chercheurs essaient de redonner vie à des mammouths, une espèce éteinte depuis plus de 10 000 ans. Si cela marche, ce sera bientôt, peut-être, l'Homme de Néandertal qu'on cherchera à faire revivre.
Que peut nous dire Mary Shelley de ces êtres nés de la science ?
Ces questions soulevées par ce roman m'ont passionnée, même si le roman lui même m'a parfois ennuyée. Le style est excessivement romantique, dans toute la glorification de la nature et de la vertu et des douceurs des jeunes filles comprises. Frankenstein lui même est un héros romantique, indécis, hésitant, faible, insupportable. Ses atermoiements sans fin ont fini par me lasser.
Quant à la créature elle-même, une fois admis qu'elle était capable de parler dans le plus pur des langages, son témoignage m'a plus intéressée. Son éveil à la vie, aux sensations, aux sentiments est magnifiques – même si son séjour auprès des De Lacey contient parfois des passages hors-sujet.
Au final, c'est un roman à lire, un classique, mais sans doute plus intéressant pour son romantisme et son rousseauisme. On est loin du fantastique et du gothique...
Lu dans le cadre du challenge Halloween 2012 - étape scandinave avec un peu de retard
Lu dans le cadre du challenge romantique