Le blog d'une curieuse, avide d'histoires, de récits, de livres, de film et d'imaginaire.
"Je ne cherche pas la gaieté, ni la joie, pas même la volupté que semblent donner aux jeunes gens le soleil et les eaux scintillantes. La jeunesse m'a fui. Mon coeur, qui a, de longues années, pleuré des êtres chers, ne cherche plus le plaisir. Et puis, les murailles de mon château s'effondrent ; les ombres l'envahissent et les vents charrient leurs froids à travers les ailes brisées de mon domaine. J'aime l'ombre, la nuit, être seul avec mes pensées autant que je le veuille."
Assez difficile de faire un billet sur Dracula, après celui de B. que je viens de relire. Je n'essayerais pas de l'égaler dans l'humour acerbe, c'est peine perdue.
La première chose qui m'a semblée étrange dans ce livre, c'est que personne (je parle en dehors des sauvages à moitié nus de slovaques et autres habitants des Carpathes, de toute manière, ce ne sont que des sauvages illettrés qui ne savent rien à rien, c'est bien connu), bref personne d'important ( = d'anglais), ne connait les vampires ni Dracula.
Ce qui fait qu'un jour, lorsqu'un petit clerc de notaire nommé Jonathan Harker est demandé auprès du Comte Dracula au fin fond des Carpathes, il ne se pose aucune question. Et ce n'est que quand il s'aperçoit que le Comte ne se reflète pas dans son miroir de poche et que d'étranges femmes parlent de le saigner qu'il commence à s'inquiéter.
L'innocent !
Back in England, la fiancée de Jonathan, Mina, tient compagnie à sa meilleure amie Lucy. Autant Mina semble une jeune fille raisonnable, autant Lucy est une belle, ravissante jeune fille qui fait tourner les têtes, trois têtes en particulier : celles du Dr Seward, médecin dans un asile de fous ; Quincey P Morris, un américain tout ce qu'il y a de plus américain (avec encore de la boue sur les chaussures mais un solide bon sens) et Sir Arthur Holmwood un noble, parfait gentleman qu'elle aime et avec qui elle se fiance.
Sauf que Lucy est atteinte de somnambulisme, et qu'elle se promène en chemise de nuit dans les cimetières la nuit. Un soir où Mina lui court après, une forme sombre se penche sur la jeune femme qui s'enfuit dès que Mina apparait. Lucy tombe malade, une forme d'anémie, et deux points rouges apparaissent sur sa gorge.
Heureusement pour nous tous, le sauveur, celui qui sait ce que vampire veut dire, et comment le combattre, apparait en la personne du laid et pédant Van Helsing. Mais qui, de Dracula ou de Van Helsing sera le plus rapide ?
C'est un page turner avant l'heure : même si la qualité laisse à désirer (je n'ai jamais vu de personnages aussi plats), j'ai vite prise par l'histoire, et j'ai adoré suivre "nos héros" dans leurs belles aventures. La première partie, en Transylvanie, lieu aimé des auteurs à cette époque puisque Verne y fait se dérouler Le château des Carpathes, ressemble à un roman gothique : château sombre et isolé, à moitié en ruine, dont le maître est étrange et tyrannique, des portes fermées derrière lesquels se cachent des fantômes de femmes, des loups et des chauve-souris pour agrémenter le tout. Voilà Udolpho tout craché ! - à la seule exception que la victime est ici un homme.
La seconde partie m'a fait plus penser à du Jules Verne : une troupe de jeunes hommes chacun caractérisé en quelques traits (l'américain, le lord, le savant fou, ...), et d'une jeune femme réunissant tous les traits de l'épouse idéale : jolie (mais point trop belle), discrète, timide, sage et dévouée, se réunit pour accomplir une quête (ici, tuer le vilain méchant), où toutes leurs compétences servent. Cette deuxième partie, comme le faisait remarquer B., est largement moins intéressante que la première.
L'aspect qui m'a vraiment frappée, de la même manière que dans Carmilla, c'est à quel point le mythe du vampire est sexualisé. Certes, nous sommes dans l'Angleterre victorienne et rien de trop olé-olé n'est dit. Mais on ne voit jamais Dracula se nourrir que du sang de femmes (de jeunes filles vierges plus précisément), tandis que les vampires femmes ne se repaissent que de sang viril et de sang de bébé ou d'enfant (curieuse maternité). Les deux femmes Lucy et Mina représentent également deux aspects des relations sexuelles que peuvent avoir les femmes. Lucy, la jeune fille fofolle qui se promène dans une tenue inappropriée (sa chemise de nuit), à une heure inappropriée (minuit), à un endroit inapproprié (le cimetière), se fait déshonnorer par Dracula (les tâches de sang sur la chemise de nuit sont assez explicites), puis abandonner.
Mina, la jeune femme sage et raisonnable, est épousée par Dracula, lors d'une cérémonie étrange mais qui ressemble assez à une messe (le sang/vin, l'hostie/pain, la jeune épousée agenouillée, etc.), et est destinée à devenir une de ses femmes, en sa demeure.
Etrange, non ?
Dracula est donc un livre très sympathique et agréable à lire, mais qui recèle en lui plus que ce que l'auteur a voulu y mettre : les fantasmes de l'Angleterre victorienne. Faut-il y voir un lien avec le grand retour de la bit lit qui se produit actuellement, et par la plume d'une mormonne ? La sexualité inassouvie conduirait-elle à un abus de vampire ?
Lu dans le cadre du challenge English classics
Le roman étant écrit à base de lettres et de fragments de journaux intimes, il entre donc également dans le cadre du challenge épistolaire !