
Miss Lily Bart est une fleur de l'aristocratie new-yorkaise du début de siècle. Belle à faire se retourner un banlieusard qui court après son train, élégante, "tout en elle était à la fois vigoureux et exquis, à la fois fort et fin". C'est un des plus délicats ornements de la Haute Société new-yorkaise.
Mais, en fait-elle réellement partie ? Certes, elle séjourne dans les maisons de campagne des plus chics, porte des robes faites à Paris, joue au bridge, passe ses vacances sur la Côte d'Azur, pose dans les tableaux vivants des soirées les plus chics, mais, après tout, elle n'est la que part la grâce de ses amis. Car elle n'a pas d'argent : fille pauvre, à peine épaulée par une tante égoïste, elle jongle avec les dettes. Malgré tout, et bien qu'elle aperçoive qu'il existe peut-être quelque chose de plus important dans la vie, elle veut continuer cette vie de plaisirs.
Elle n'a plus qu'une seule solution, épouser un jeune homme riche qui lui permettrait de conserver son statut social. Et, à 29 ans, il serait temps qu'elle mette le grapin dessus.
Ce roman raconte la lente descente aux enfers de Lily, depuis les hauteurs ensoleillées, jusqu'aux bas-fonds. Cette chute est douce et progressive, elle torture Lily par sa lenteur, les salons de ses amis se ferment, et elle en est réduite aux salons qu'elle aurait méprisé un ou deux ans auparavant.
Ce qui est particulièrement cruel dans ce roman, c'est que cette chute n'est pas due à sa légèreté ou à une certaine vénalité, mais justement aux quelques restes d'honneur et de droiture qu'il lui reste, ravivés par la présence de Mr. Selden. A plusieurs reprises, elle aurait pu s'en sortir, mais en sacrifiant l'estime qu'elle garde pour elle-même. Elle préfère rester droite, et apparaître déchue aux yeux du monde.
Une description délicate et acerbe de la société, du Monde, d'un monde sans pitié où on assassine son amie pour gagner quelques places. Et où Lily, égoïste petite Lily, avec sa droiture et sa gentillesse, est trop faible pour survivre. Le tout est décrit par Edith Wharton, tout en finesse et en sous-entendu. Elle reproduit avec brio ce monde feutré et sans pitié, tout en luxe et délicatesse.
En parallèle du destin de Lily, elle décrit un monde qui change, où la vieille aristocratie se met à accepter des "nouveaux riches", fortunés grâce à leurs boursicotages, vulgaires, maladroits, mais tellement riches qu'on ne peut les refuser. Elle croit décrire un changement unique, ou rare, mais que tous les écrivains de ce genre de haute société ont décrit.
D'ailleurs, j'ai trouvé les ressemblance avec One fifth avenue de Candace Bushnell très frappantes : aristocratie chic vs nouveaux riches de la finance ; le désir des uns de rentrer dans la haute société, des autres de les en extraire ; l'adultère et les coups de pute ; les jeunes filles prêtes à tout pour se faire un nom.
C'est beau, et cruel. Même si Lily ne m'a pas été très sympathique, j'ai eu beaucoup de peine à suivre, petit à petit, sa déchéance ...
C'est de la littérature américaine !

PS : en farfouillant sur le net, je viens de voir que ce livre a été adapté au cinéma en 2001, par Terrence Davis. Quelqu'un l'a vu ?