Et puis, Canthilde a lancé son défi XVIIIème, j'avais envie de commencer très vite ce défi, mais aucun autre livre de cette époque dans ma PAL. Alors, j'ai sorti ce livre, je l'ai ouvert et j'ai tout de suite été happée.
"Je ne pouvais démêler si c'était de l'amour ou de la compassion, quoiqu'il me parût que c'était un sentiment doux et languissant."
Le chevalier des Grieux, un jeune blanc-bec de dix-sept ans, innocent comme une pucelle, s'apprête à rentrer chez ses parents pour les vacances. Hélas, son regard croise celui d'une jeune fille, que l'on emmène pour être religieuse, Manon Lescaut. Coup de foudre immédiat (au moins du côté de des Grieux), les deux jeunes gens décident de s'enfuir pour se marier à Paris. Et c'est le début de tout une suite d'aventure qui se poursuivra jusque dans les toutes jeunes Amériques. Le principe de ces aventures est souvent simple : la bourse de des Grieux se vide ; Manon, qui aime ses plaisirs avant toute chose, choisit de se trouver un protecteur fortuné ; des Grieux vient la chercher, les deux amants tombent dans les bras l'un de l'autre ; ils décident de voler le protecteur, celui-ci s'en aperçoit, et les deux compères se retrouvent en prison. Pas beaucoup de mémoire, les deux lascars !
Je vais commencer par ce qui m'a le plus gêné dans la lecture : le style. C'est très beau, mais ça reste assez "poussiéreux". Ou du moins, j'ai suffisament peu l'habitude de lire de la littérature de cette époque pour que les "Elle me confessa qu'elle me trouvait aimable et qu'elle serait ravie d'avoir obligation de sa liberté" me frappent dans ma lecture. Une fois ce détail passé, un autre aspect du roman m'a marquée : l'absence de description. Je serais incapable de vous dire ce à quoi ressemble Manon (à part qu'elle est tout à fait charmante et délicieuse), comment était la maison de Chaillot, ou si Mr de G... M... était grand ou petit. Pour une habituée des romans du XIXème, c'est assez déstabilisant.
"Il me proposa de profiter de ma jeunesse et de la figure avantageuse que j'avais reçue de la nature pour me mettre en liaison avec quelque dame vieille et libérale."
Donc, une seule chose : place à l'aventure. Et de l'aventure, il y en a !! Des meurtres, du sexe, des enlèvements, des bandits de grand chemin, des évasions spectaculaires, des Grieux et Manon ne laissent pas le lecteur tranquille un seul instant. Et on en redemande !
De plus, un certain humour (que le narrateur ne comprend pas du tout, ce qui le rend encore plus savoureux) parsème le bouquin. Manon et son frère se moquent plus ou moins gentiment du jeune homme amoureux, et le lecteur partage leur amusement :
"La faim me causerait un jour quelque méprise fatale ; je rendrais quelque jour le dernier soupir en croyant en pousser un d'amour." écrit un jour la jeune fille à son amant, pour justifier une de ses fuites dans les bras d'un riche noble.
Mais le principal intérêt de ce roman, c'est la description de la société du XVIIIème qui est faite. Beaucoup plus violente que la nôtre, sans droit autre que celui de la naissance et des relations. Les deux amants subissent les vengeances cruelles des amants de Manon. On emprisonne lorsqu'on est puissant, on tue ou on fuit lorsqu'on ne l'est pas.
"O Ciel ! m'écriai-je, je recevrai avec soumission tous les coups qui viennent de ta main, mais qu'un malheureux coquin ai le pouvoir de me traiter avec cette tyrannie, c'est ce qui me réduit au désespoir."
Ce livre parle aussi énormément d'argent, et j'ai été là assez surprise : Manon et des Grieux parviennent à vivre relativement confortablement (une maison, un appartement à Paris, deux serviteurs, des sorties tous les soirs) sur des sources d'argent assez périlleuses : des dons d'amis, le jeu et pas grand chose d'autre - si ce n'est les quelques dons des hommes à qui Manon se prostitue. De ceci, je conclue, peut-être à tort, mais c'est réellement l'impression que m'a donné le roman, que l'inégalité des richesses devait être énorme, et que les dons que font Tiberge ou M. T..., de médiocre importance pour eux, sont en fait très élevés.
Ceci dit, et malgré le plaisir que j'ai pris à lire ses aventures, je suis heureuse de le lire à 26 ans, et pas à 12 (l'âge que j'avais quand je l'ai acheté ^^) ni même à 16 ou 17. Adolescente, je n'aurais pas du tout aimé ce roman cynique et cruel, et je préférais les romans d'amour purs, avec des héros estimables.
Donc, ce livre est dans ma PAL depuis 16 ans (OMG !!!)
Et je l'ai lu dans le cadre du Défi XVIIIème de Canthilde !