« Toutes lumières allumées, le Magasin repose dans sa poudre d'or. Bien que le silence soit absolu dans ma tête, il me semble entendre en prime son grand silence à lui. Des escaliers roulants qui ne roulent pas, c'est pire que de l'immobilité. Des rayons regorgeant de marchandises sans aucun vendeur derrière, c'est plus que de l'abandon. Des caisses enregistreuses qui ne font pas entendre le tintement de leurs clochettes, c'est plus que de l'abandon, c'est plus que du silence. Tout cela vu par un sourd, c'est un autre monde. Un monde où les bombes explosent sans laisser de trace. »
Benjamin Malaussène est un homme sur qui beaucoup de choses pèsent : une tripotée de frères et sœurs, dont l’une est enceinte, une mère en vadrouille, et tous les malheurs du Magasin, dans lequel il travaille : dès qu’une pièce est défectueuse, on l’appelle pour se faire engueuler. Normal, il est Bouc Emissaire.
Mais quand le Petit se met à rêver d’Ogres Noël, et que des bombes explosent sous ses yeux au Magasin, la situation a tendance à se corser quelque peu…
« Il n'est pas venu se plaindre, ni discuter, ni même exiger - il est venu imposer son droit par sa force, c'est tout. Suffit de lui jeter un coup d'oeil pour comprendre qu'il n'a jamais eu d'autre mode d'emploi. Suffit de lui en jeter un second pour constater que ça ne l'a pas mené bien loin dans la hiérarchie sociale. »
Ca fait une éternité que je l'avais dans ma PAL, dix éternités qu'on me conseillait de le lire. Et j’ai profité du Marathon de lecture pour le dévorer… J'ai tout aimé, l'ambiance foutraque de la famille Malaussène (y compris leur chien qui pue, et pourtant, les chiens qui puent et moi…), le grand magasin, les collègues, les histoires de Benjamin, l'enquête policière.
Mais ce qui m'a séduite par dessus tout, c'est le style de Pennac. Il arrive à créer un mélange d'humour malicieux et de poésie, assaisonné d'un regard un cynique sur notre société, qui sait en pointer les travers les plus douloureux.
« Il n'y a pas un seul livre dans la pièce ! Rien que cet étalage de jaquettes peinturlurées. Pas de doute, tu es bien chez un éditeur, Malaussène. »
Et avec au bout de l’histoire, derrière cette ambiance gaie et bordélique, un drame terrible qui m’a rappelé certaines des pages les plus sombres de Millénium. Comme si l’insouciance elle-même ne pouvait rien contre les pires crimes…
Je ne résiste pas à la plus belle déclaration d’amour du monde :
« Et voilà que moi aussi je te veux. Comme porte-avion, Benjamin. Tu veux bien être mon porte-avion ? Je viendrais de temps en temps faire mon plein de sens. »
Lu dans le cadre du challenge du Prix Campus