
Dès les oeuvres les plus anciennes, j'étais séduite : elles m'ont fait penser à de la calligraphie chinoise, des lettres, des messages tracés en noir sur un fond éclatant de blancheur, une histoire qu'on ne peut pas comprendre mais qui nous saisit par la manière dont elle est dessinée.
Mais ... il y a dans ces traits noirs une puissance, une autorité, une sorte de violence qui s'écarte de l'art asiatique et se relie à l'époque moderne et industrielle.

Petit à petit, le tracé perd de son importance : la couleur, le contraste devient de plus en plus fort. Le noir finit par s'étaler, prendre de l'espace sur la toile, s'imposer. Certains de ces tableaux, tout en couleurs sombres, des formes noires ressortant à peine sur un ciel tourmenté d'un brun orageux m'ont fait pensé à certaines de ces dessins de Victor Hugo, où pèse une ambiance lourde.

Et le noir continue de s'étendre, il finit par prendre presque toute la place, un tableau où juste un rectangle de blanc subsiste tout en bas de la toile, presqu'écrasé par la masse sombre qui le supplante.
Et puis - et là, la muséographie de Beaubourg est parfaite - il ose le tableau totalement noir. Il ose le noir comme matière qu'ils sculpte pour en faire sortir l'éclat. J'avoue que ce n'est pas ce que j'ai préféré de l'exposition. Si l'idée de l'outrenoir est intellectuellement intéressante, je "n'aime pas" et cela ne fait naître en moi aucune émotion. Je trouve cela trop propre, trop droit, presqu'industriel. Mais ... L'utilisation qu'il fait du noir dans ses dernières oeuvres ... Le noir comme matière, le jeu sur les textures, le noir mat et le noir brillant, les stries dans la profondeur de la peinture ... Ca donnait envie de se perdre dedans, de se laisser envoûter et de lâcher prise. Il y a peu de tableaux qui m'ont enlevée comme ceux de Soulage l'ont fait. Et c'était tellement beau que j'ai envie d'y retourner !
