"Il serait heureux dans ce pays, heureux en ménage avec des enfants, et il irait à la forge avec des chevaux et bavarderait avec le maréchal-ferrant, et il irait se promener jusqu'au croisement le dimanche après-midi, pour y discuter de l'équipe de football et de politique. Il ferait partie des hommes âgés, les mains dans les poches de son pantalon, et il rêverait au passé. Ensuite, il rentrerait à pas lents prendre son repas du soir et sa femme et ses enfants seraient là à l'attendre et sa vie serait en tout point semblable à celle de son père."
Tarry Flynn est un grand poème d'amour à l'Irlande, rurale, bouseuse, aux gens simples et mesquins, au prés verdoyants, aux vaches un peu maigres, aux maisons trapues où les poules entrent dans les cuisines.
Tarry Flynn est un jeune fermier, qui vit avec sa mère et ses trois soeurs dans un petit village dont le seul centre d'intérêt est les amourettes entre jeunes et les mariages qui se font - ou pas. Tarry est célibataire, toujours vierge, incapable de trouver aucune des jeunes filles du village assez pures pour lui ; sauf Mary Reilly, la demoiselle du village, devant qui il redevient petit garçon.
Mais Tarry est aussi un poète, sensible à la beauté simple de la nature, aux fleurs, aux odeurs, à son champ de patates qui croient. Un amoureux de la vie, de la vie qui pousse et qui meurt, qui se répand et qui grouille. Avec un bouquin en permanence dans sa poche, il cherche à écrire des poèmes, sans se rendre compte que sa nature de poète ne se trouve pas dans les techniques de rimes, mais dans son oeil ouvert à la beauté qui l'entoure.
"Sa méthode pour que ce livre, et tous les livres exaltants le fassent frissonner, était de l'ouvrir au hasard et d'y jetter un bref coup d'oeil. Ensuite, il refermait le livre de peur que la magie disparaisse."
Au delà de ce portrait de poète fermier, un peu fou, un peu simple, très irlandais, Kavanagh porte le portrait d'une Irlande qui change. Les filles partent à la ville, se marier avec des hommes plus civilisés que leurs rustauds de frères ; les hommes restent au village en se lamentant sur leur avenir. Ce sont les années 30, l'industrialisation et les villes progresse, et une certaine forme d'Irlande éternelle meurt.
Lu dans le cadre de la semaine : "Le champagne, c'est chic, mais la Guiness, c'est celtique !"
et du challenge Culture irlandaise